par Julien Ponthus et Matthieu Protard

Les partenariats noués avec le Crédit agricole depuis plus de deux ans suscitent des spéculations sur la nature à terme de leur relation.

La question du mariage semble déjà tranchée car avec environ 25% de parts de marchés dans la banque de détail en France, Crédit agricole n'a que peu de chances de convaincre les autorités de la concurrence de lui laisser mettre la main sur le réseau de la Socgen.

Mais pour les observateurs, l'intérêt de la banque verte dans un partenariat privilégié réside surtout dans le fait d'empêcher l'émergence d'un redoutable concurrent sous la forme d'une alliance avec BNP Paribas.

Car si le spectre d'une fusion entre les deux frères ennemis du secteur bancaire français semblent irréaliste à court terme, l'affaire Kerviel a obligé les dirigeants de BNP à abattre leurs cartes et reconnaître leur intérêt pour la Société générale.

Concentrés sur l'intégration de Fortis qui a propulsé BNP au rang de première banque de la zone euro en terme de dépôts bancaires, les dirigeants de BNP Paribas répètent maintenant à l'envi avoir définitivement fermé le dossier.

Depuis l'augmentation de capital de 2008 qui a sauvé la Générale après la perte de trading record de 4,9 milliards d'euros, le Crédit agricole fait figure de garant de son indépendance, de chevalier blanc désigné en cas de raid.

La création de filiales communes dans le courtage avec Newedge et la gestion d'actifs avec Amundi pourrait être suivie par d'autres coentreprises, une collaboration dans les services aux investisseurs étant notamment envisageable.

"Pour l'instant, ils ont dit qu'il n'y avait pas d'autres partenariats à l'étude. Mais sur certaines plates-formes, il y aurait des possibilités comme la monétique", indique Eric Vanpoucke, analyste bancaire chez Sal. Oppenheim.

PILULES EMPOISONNEES

Ces alliances sont considérées comme autant de pilules empoisonnées mais sont aussi saluées comme faisant beaucoup de sens du point de vue opérationnel.

"C'est un secret de polichinelle qu'il y a des discussions entre les deux groupes", avance un banquier d'affaires parisien.

Mais si la Place de Paris s'attend à ce que les deux établissements resserrent leurs liens, les dernières rumeurs évoquant une fusion entre Calyon, la banque d'investissement du Crédit agricole, et Société générale sont accueillies avec scepticisme.

"C'est vraiment un fantasme, ça n'a aucun sens", explique une source proche de la Société générale. "Il y a d'autres choses qui auraient plus de sens."

Le fait que Calyon se prépare à prendre le nom de "Crédit Agricole Corporate Investment Bank" afin de rapprocher son image de celle de sa maison-mère ne plaide pas non plus pour une vente imminente.

On fait en outre valoir en interne que les deux banques d'investissement n'ont pas les mêmes modèles stratégiques.

"Ce serait contre-productif", juge aussi un autre banquier parisien, arguant que les deux banques d'affaires cannibaliseraient leur clientèle et que leur fusion serait destructrice de valeurs.

"La BFI de Socgen est réputée être relativement innovatrice et agressive dans le développement de nouveaux produits comme les produits structurés", souligne Eric Vanpoucke.

"Je ne suis pas certain que ce soit la direction que souhaitent prendre Jean-Paul Chifflet (nouveau DG du Crédit agricole) et surtout les caisses régionales tel que perçu dans le plan présenté à l'automne 2008".

De plus, le scénario dans la presse d'une prise de participation du Crédit agricole dans Société générale en échange de l'apport de Calyon supprimerait la prime spéculative qui bénéficie au cours de Bourse de Socgen.

Le schéma avancé par le quotidien Le Monde cet automne sous la forme d'un ménage à trois avec Groupama a été démenti.

Sous une forme ou sous une autre l'hypothèse d'une participation directe du Crédit agricole dans le capital de Société générale laisse les analystes sceptiques sauf dans le cas où Socgen serait menacé par une OPA hostile.

A l'instar de la fusion entre Gaz de France et Suez, mise en place par le gouvernement pour débouter les velléités d'acquisition italiennes, les fiançailles entre les deux banques ne devraient ainsi s'officialiser qu'en cas de force majeure.

Edité par Jean-Michel Bélot