* Le Premier ministre recevra lundi ses partenaires

* Un compromis est probable, estime une source gouvernementale

* Bus et trains à l'arrêt mais le privé ne suit apparemment pas

* L'ERT, symbole pour beaucoup de clientélisme politique (Actualisé avec ERT relayée par satellite)

par Karolina Tagaris et Renee Maltezou

ATHENES, 12 juin (Reuters) - Le Premier ministre grec, Antonis Samaras, a fait un geste pour tenter de désamorcer la crise gouvernementale qui couve à propos de la radio-télévision publique ERT dont la fermeture brutale a amené les syndicats à lancer un ordre de grève générale ce jeudi.

Le chef du gouvernement conservateur, qui a traité d'"hypocrites" ceux qui ont pris fait et cause pour l'audiovisuel public, a invité ses deux partenaires - les socialistes du Pasok et la Gauche démocratique -, hostiles à cette fermeture, à discuter lundi à partir de 15h00 GMT avec lui.

La décision de mettre l'ERT en sommeil, motivée officiellement par des raisons budgétaires, a provoqué des remous au sein de la coalition gouvernementale et ravivé les tensions dans un pays qui semblait émerger de la crise politique qui a accompagné la récession.

D'après un haut responsable gouvernemental, Antonis Samaras est ouvert à la discussion et un compromis est possible même s'il n'entend pas revenir sur sa décision de créer une nouvelle entité plus resserrée et efficace.

"Je crois qu'il y a la place pour un compromis et que nous n'irons pas vers de nouvelles élections", a confié à Reuters cette source.

Toutefois, l'affrontement ouvert entre Antonis Samaras, qui a juré de moderniser le "Jurassic Park" qu'est, selon lui, devenue la Grèce, et ses alliés au sein de l'exécutif font douter qu'il soit possible de trouver une formule permettant à tous de "sauver la face".

"SUR LE FIL DU RASOIR"

"Le pays est sur le fil du rasoir", a-t-on jugé de source proche de la coalition.

Le conflit avec le Pasok et Gauche démocratique, qui demandent au Premier ministre de revenir sur sa décision, a tourné à la crise politique la plus grave depuis la formation de la coalition en juin.

"Soit une solution se dessine d'ici une semaine, soit des élections sont inévitables", proclame à la une le journal conservateur Kathimerini.

"Le pays n'a pas besoin d'élections, ce serait une erreur colossale. Mais le Pasok n'en a pas peur", a réagi le chef de file de ce parti, Evangelos Venizelos. "Nous sommes en faveur d'une restructuration de fond en comble de l'ERT, mais pas des partisans de l'écran noir."

Quelque 2.600 employés de l'ERT, qui était doté d'un budget annuel de 300 millions d'euros, doivent perdre leur emploi.

Le déblocage d'une nouvelle tranche d'aide de 3,3 milliards devait faire l'objet de discussions dans la journée avec de hauts responsables de la zone euro.

D'après un responsable gouvernemental, la Grèce fait l'objet de pression pour démontrer aux inspecteurs de la "troïka" (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) qu'elle dispose d'un plan de mise à pied de 2.000 agents de l'Etat comme requis. La fermeture de l'ERT était, semble-t-il, la seule option disponible pour atteindre cet objectif.

LES CAFES NE DESEMPLISSENT PAS

Qualifiant cette mesure de "décision aux allures de coup d'Etat (...) visant à bâillonner l'information impartiale", les deux principales organisations syndicales ont organisé jeudi une grève générale de protestation de 24 heures.

Dans la capitale, les bus municipaux sont restés à l'arrêt tout comme l'opérateur ferroviaire public OSE dans tout le pays.

Plus de 13.000 personnes brandissant des drapeaux et des banderoles avec les slogans "Limogez Samaras, pas le personnel d'ERT !" se sont rassemblées devant le siège de l'audiovisuel public, où le personnel organise une veille depuis l'annonce de la fermeture.

Dans la soirée, l'Union européenne de radio-télévision (UER) a permis aux abonnés à la télévision par satellite de recevoir à nouveau la chaîne d'information de l'ERT. Mardi, le président de l'UER, Jean-Paul Philippot, avait écrit à Samaras pour lui demander de revenir sur sa décision.

Le syndicat des journalistes d'Athènes a lancé un mot d'ordre de grève illimitée qui a bloqué la parution de plusieurs titres et obligé des chaînes de télévision privées à rediffuser d'anciennes séries à la place de leurs journaux d'information.

Pour le moment, les travailleurs du secteur privé ne semblent pas avoir rejoint en masse la grève générale.

Les rues de la capitale sont, comme chaque jour, encombrées de voitures, les supermarchés ont ouvert et les cafés ne désemplissent pas. Plusieurs défilés sont prévus avec, en point d'orgue, une grande manifestation devant le siège de l'ERT.

"Ce que le plus mal payé des employés d'ERT se fait en un jour, je le gagne en une semaine. Alors, pourquoi devrais-je faire la grève pour eux ?", demande Iannis Papailias en train de ranger sa marchandise.

Le taux de chômage atteint près de 27% en Grèce. Depuis le début de la récession il y a six ans, plus de 850.000 emplois ont été supprimés, la plupart dans le secteur privé.

De nombreux Grecs considéraient les trois chaînes de l'ERT comme des sinécures et le symbole du clientélisme permettant à certains partis politiques de placer leurs obligés. Mais la brutalité avec laquelle est intervenu l'arrêt de la diffusion a été ressentie comme un choc par la population. (Pierre Sérisier, Danielle Rouquié, Jean-Loup Fiévet et Jean-Philippe Lefief pour le service français)