"Depuis maintenant quelques semaines, le marché des changes est de plus en plus dominé par l'évolution des anticipations de politique monétaire face à la poussée de l'inflation dans de nombreux pays. Des resserrements monétaire ont déjà eu lieu dans de nombreux pays mais pas parmi ceux du G4 (Etats-Unis, zone euro, Royaume-Uni et Japon)", note Natixis dans son étude hebdomadaire.

"Les devises dont les anticipations de hausse des taux directeurs se sont renforcées (visible à travers la variation de la pente entre le 1er et le 5ème contrat futures 3 mois) enregistrent les plus fortes progressions sur les cinq derniers jours ouvrés."

"Il s'agit notamment de la SEK, du CHF et de l'euro. Cet environnement est particulièrement propice pour mettre en place des stratégies de carry trade en dollar sachant que la Fed a maintenu sa rhétorique inchangée en faveur du quantitative easing. Il faut se positionner alors sur les devises où les anticipations de hausse des taux directeurs augmentent."

"En zone euro, la hausse de l'inflation résulte principalement de celle des cours du pétrole qui ont atteint un niveau de 97 dollars le baril et ont ainsi tiré les prix à la consommation jusqu'à 2,2% en décembre. A ce titre, JC Trichet a fait part de ses inquiétudes sur les risques d'effets de second tour liés à la hausse du cours des matières premières, à travers une hausse des salaires. Ces craintes inflationnistes ont entrainé de fortes tensions sur les taux courts européens qui reflètent des anticipations de hausse des taux repo de plus de 25pb à horizon de fin d'année."

"La rhétorique de la BCE s'est donc nettement démarquée de celle de la Fed toujours très prudente considérant que les risques sur l'économie restent prégnants. Depuis le début de l'année, Ben Bernanke a réitéré le fait que le quantitative easing restait nécessaire malgré l'amélioration des indicateurs économiques et le communiqué de la dernière réunion de la Fed n'a pas changé. Dans ce contexte, le spread de taux courts Euro/Etats-Unis s'est fortement élargi soutenant ainsi l'euro contre dollar."

"Par ailleurs, l'euro est soutenu par les nombreuses discussions autour du fonds EFSF dont la taille pourrait être revue à la hausse. Il pourrait servir aussi à racheter la dette des pays périphériques avec une certaine décote pour les créanciers privés qui y sont prêts s'ils considèrent que tôt ou tard il y aura une restructuration des dettes de certains pays."

"On parle aussi de plus en plus de réduire le taux d'intérêt des prêts aux pays faisant appel au fonds EFSF. Quoi qu'il en soit, le succès de la première adjudication de l'EFSF de 5 milliards de maturité 5 ans montre que les investisseurs restent confiants dans la zone euro et donc dans l'euro. Enfin, le rebond de l'euro s'explique surtout par le débouclement total des positions vendeuses d'euro. Elles étaient de l'ordre de 45.000 la semaine précédente et elles sont revenues tout juste en position acheteuse. Le positionnement actuel des comptes spéculatifs est de fait neutre maintenant."

"Est-ce que l'euro peut encore progresser ? Tout va dépendre de l'évolution du discours de la BCE. A ce titre, JC Trichet a réitéré cette semaine ces craintes sur les risques d'effets de second tour. Cela laisse penser que les chiffres d'inflation vont devenir de plus en plus importants à court terme et par là, les cours du pétrole afin de déterminer si l'inflation globale va continuer à progresser. Si le pétrole se maintient sur les niveaux actuels, il y a de fortes chances de voir l'inflation s'afficher à 2,5% en janvier/février même si elle rebaissera par la suite sachant que nous anticipons une correction des cours du pétrole au second semestre."

"Cela ne manquera pas de renforcer la rhétorique actuelle de la BCE et par là, pousser les taux longs 2 ans et l'euro vers le haut. On ne peut pas écarter que l'EURUSD teste temporairement un niveau de 1,40. Mais il y a peu de chances que la hausse des prix énergétiques se transmette aux salaires. En outre, la croissance européenne restera inférieure à son potentiel en 2011 et 2012, ce qui milite pour une politique monétaire durablement inchangée et ce d'autant plus que les banques des pays périphériques continueront à dépendre de la liquidité de la BCE."

"Une éventuelle hausse des taux directeurs ne ferait que pénaliser les marchés immobiliers les plus sensibles (Espagne) et par là, les banques qui y sont exposées. Enfin, si le fonds EFSF est modifié en ligne avec les attentes des marchés, cela ne veut pas dire que la crise européenne est terminée, le niveau toujours élevé des CDS en témoigne. Le marché redoute toujours des restructurations de dettes et certains pays (Portugal) pourraient avoir des difficultés pour respecter leur objectif de déficit public cette année."

"En résumé, l'euro peut donc encore progresser mais possède un potentiel de hausse limité à moins d'anticiper une réelle hausse des taux de la BCE, ce qui n'est pas notre scénario. Pour ces raisons, nous continuons à penser qu'après la sur-réaction actuelle liée au discours hawkish de JC Trichet, l'euro devrait rebaisser par la suite. En particulier, la moindre déception sur le front de la BCE (moins alarmiste) et du fonds EFSF pourrait entrainer une correction sensible de l'euro."

"Enfin, si le marché de l'emploi américain s'améliore, cela devrait renforcer aussi au passage les anticipations de fin du quantitative easing de la FED et par là, le dollar. Bref, il risque d'y avoir des va-et-vient à court terme en fonction des anticipations de politique monétaire de part et d'autre de l'Atlantique. Pour l'heure, la balle est dans le camp de la BCE et donc de l'euro."

"La semaine prochaine, le marché se focalisera sur le discours de JC Trichet lors de la réunion monétaire de la BCE. Il devrait à nouveau souligner ces craintes inflationnistes. Aussi, l'EURUSD testera le niveau de 1,3826, voire 1,40 dans les prochaines semaines mais devrait revenir probablement en dessous de 1,35 à horizon mars."