par Catherine Lagrange

Le lancement de cette nouvelle ligne de production de 60.000 paires, accompagné de la création de vingt emplois, est vécu comme un événement sur le site historique du groupe en Haute-Savoie, qui s'est progressivement rendu compte que le "made in China" était loin d'être la panacée.

"Il ne s'agit pas de crier cocorico mais de poursuivre un objectif de rentabilité", explique Bruno Cercley, le nouveau P-DG de Rossignol, leader mondial du ski alpin, qui base sa stratégie uniquement sur des données économiques.

"Dans notre produit, 70% du coût vient des matières premières, résine, plastique, polyuréthane, qui viennent d'Europe, partent en Asie pour revenir en Europe, il n'y a donc pas d'avantage de coût", dit-il à son siège installé au pied des montagnes, à Saint-Jean-de-Moirans, près de Grenoble.

Les voyages des cadres en Asie, longs, contraignants et de plus en plus coûteux, doivent également être pris en compte.

Enfin, le coût de la main-d'oeuvre chinoise augmente.

"Les salaires chinois ont progressé de 30% en un an et ce n'est pas fini", ajoute le chef d'entreprise. "En conclusion, on est aussi compétitif en France."

L'absence, pour l'instant, de marché pour les skis en Asie a achevé d'emporter la décision puisqu'il se situe à 60% en Europe, 25% en Amérique du Nord et pour le reste en Russie.

VISION À LONG TERME

Cette relocalisation est saluée par les travailleurs de l'usine de Sallanches (Haute-Savoie).

"Les gens sont rassurés sur la volonté de la direction de pérenniser l'activité sur ce site", explique Mimmo Salerno, le directeur de l'usine.

Les syndicats s'en félicitent eux aussi, d'autant plus que le nombre d'embauches prévu pour la relocalisation des skis pour enfants, qui était de dix, a été doublé.

"Il y a des embauches, c'est tant mieux, on est content", dit Marc Roles, délégué syndical CFDT de l'entreprise, qui craignait que le site ne soit condamné après le licenciement de 131 personnes en 2009.

C'est dans le cadre d'un plan de relance de l'entreprise destiné à la sauver du dépôt de bilan entrevu en 2008 après des années de pertes que la direction a choisi de "relocaliser" sa production sur son site d'origine.

Le P-DG de Rossignol dit approuver totalement le discours du gouvernement français sur la relocalisation de l'industrie française et considère que la stratégie qu'il vient d'adopter est transposable dans d'autres secteurs industriels.

"Le modèle qui consiste à aller fabriquer à l'étranger uniquement pour bénéficier d'une main-d'oeuvre moins chère est vraiment une vision à très court terme et nous avons besoin de vision à long terme", souligne Bruno Cercley.

850.000 PAIRES PAR AN

Il cite l'exemple de Ford, qui a délocalisé sa production au Mexique, pour des raisons de coût.

"Pendant ce temps, Toyota a construit des usines aux Etats-Unis et a pris une position de leader sur le marché américain. Ford a fait une erreur en s'éloignant de son marché."

Le redressement de Rossignol, engagé après sa vente en 2008 par le groupe d'origine australienne Quiksilver à la société Chartreuse et Mont Blanc, est passé par une réduction de la gamme de produits, mais aussi par un plan social qui a réduit les effectifs d'un tiers pour arriver aujourd'hui à 1.223 personnes, dont 668 en France.

Rossignol est de nouveau bénéficiaire avec un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros et un résultat net positif.

Créée en 1907 à Voiron par un petit menuisier, Abel Rossignol, la marque jouit aujourd'hui d'une forte notoriété.

Les exploits sportifs du français Jean-Baptiste Grange, champion du monde de slalom 2011, et du suisse Didier Defago, champion olympique de descente 2010, chaussés de Rossignol ont également bien servi la marque ces dernier mois.

"Le 9SL, le ski du champion du monde, est celui qui se vend le mieux actuellement", confie Bruno Cercley en en brandissant un exemplaire tout juste sorti de l'atelier où les pièces sont entièrement réalisées à la main.

Le groupe Rossignol, qui regroupe les marque Rossignol, Dynastar, Lange, Risport et Look, produit 850.000 paires de skis par an, autant de fixations et 650.000 paires de chaussures.

Edité par Yves Clarisse