par Mariam Karouny

BEYROUTH, 19 avril (Reuters) - Les "Amis de la Syrie" rencontrent à nouveau samedi à Istanbul l'opposition syrienne, dont ils attendent notamment un engagement ferme contre l'extrémisme islamiste.

Les insurgés insisteront, eux, sur l'aide militaire.

L'opposition syrienne espère que cette réunion sera l'occasion de crédibiliser l'idée selon laquelle armer les rebelles reste la meilleure façon de chasser du pouvoir le président Bachar al Assad, après un conflit qui en deux ans a déjà pris 70.000 vies.

Les onze pays et organisations qui forment le noyau dur des "Amis de la Syrie", dont les Etats-Unis, l'Union européenne et les pays arabes, ont échoué jusqu'à présent à s'accorder sur la méthode à suivre pour mettre fin à la crise syrienne, tandis que l'impasse militaire s'installe sur le terrain.

Selon une source haut placée de l'opposition syrienne qui a participé aux réunions préparatoires à la conférence d'Istanbul, la journée de samedi sera un "tournant" dans la résolution de la crise. "L'objectif principal de cette rencontre est d'armer les rebelles syriens. Les (Amis de la Syrie) ont reconnu notre droit à nous défendre, maintenant ils doivent nous en donner les moyens", a-t-il souligné sous le sceau de l'anonymat.

RÉTICENCES SUR LES ARMES

Mais les pays occidentaux se montrent plus que jamais réticents à armer les rebelles, dont l'un des groupes armés les plus efficaces, le Front al Nosra, a formellement fait allégeance la semaine dernière à Ayman al Zaouahri, successeur d'Oussama ben Laden à la tête d'Al Qaïda.

Lors de la dernière conférence organisée en février à Rome, les Etats-Unis s'étaient engagés à fournir pour la première fois une aide directe mais non létale aux rebelles.

Le revirement de la position de la France, de plus en plus prudente sur la question de l'armement des rebelles, devrait également influencer le cours des discussions.

Le président François Hollande avait demandé le 14 mars à ses partenaires européens la levée de l'embargo européen sur les armes à destination des insurgés syriens, disant que la France "prendrait ses responsabilités" en cas de reconduction.

Son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a tenu un tout autre discours jeudi à Strasbourg.

Selon lui, il n'y a pas de "bonne solution" pour mettre fin à la guerre civile en Syrie et une éventuelle livraison d'armes à l'opposition présente autant d'avantages que d'inconvénients. (voir )

Le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a déclaré quant à lui jeudi qu'il était important d'établir un corridor d'aide humanitaire en Syrie. "Il est temps à présent d'agir contre les crimes de guerre et de demander des comptes", a-t-il déclaré à la chaîne CNN en Turquie, faisant référence aux frappes meurtrières de missiles Scud sur Alep ces derniers mois.

ENGAGEMENT CONTRE L'EXTRÉMISME

Deux diplomates occidentaux estiment de leur côté que le principal objectif de la conférence d'Istanbul n'est pas de trouver un accord sur la livraison d'armes.

Il s'agit plutôt, selon l'un d'eux, d'obtenir l'engagement de la Coalition nationale syrienne (CNS) qu'elle adoptera une position ferme contre l'extrémisme islamiste, et de renforcer l'unité des protagonistes et de préparer l'après-Assad.

Selon le second diplomate, la "rencontre ne porte pas sur l'armement des rebelles mais est de l'ordre du donnant-donnant (...). Si l'opposition peut donner plus, alors nous donnerons plus. Nous parlons de nouveaux engagements politiques, comme une vision politique globale, des assurances sur les armes chimiques, et sur la façon de se comporter en tant que force combattante, comment ils voient la Syrie après Assad".

"Après cela, nous pourrons fournir une aide plus ambitieuse, humanitaire et non humanitaire, mais pas d'armes. Il y a plein de façons de soutenir une opposition armée sans donner d'armes", a-t-il ajouté.

Mais pour la source rebelle qui participera à la conférence d'Istanbul, cela ne fait aucun doute : les "Amis de la Syrie" sont désormais dans l'optique de livrer des armes aux rebelles membres de la branche armée de la Coalition nationale syrienne.

"Les choses changent aujourd'hui et les Américains envoient des troupes en Jordanie, la façon dont la communauté internationale traite le régime a aujourd'hui changé. Ils veulent aussi des actes", a-t-il ajouté. (Avec Nick Tattersall à Istanbul et Jonathon Burch à Ankara, Hélène Duvigneau pour le service français, édité par Gilles Trequesser)