Lorsqu'une entreprise procède à un rachat d'actions, elle acquiert un certain nombre de ses propres actions, généralement sur le marché boursier. Une fois les actions rachetées, elles sont souvent annulées, ce qui réduit le nombre total d'actions en circulation. Le processus est encadré par des règles juridiques strictes afin de protéger les intérêts des actionnaires et d'assurer la transparence. En France, l'Autorité des marchés financiers (AMF) est l'organisme chargé du bon fonctionnement des marchés. 

Nous nous baserons donc sur le rachat de titres (aussi appelé rachat par ramassage en bourse), qui est la méthode privilégiée par les entreprises (95% du total des rachats d'actions aux États-Unis selon une étude de Grullon et Ikenberry en 2000).

L'impact du rachat d'actions sur le cours de bourse (liste non exhaustive) :

  • Le rachat d'actions peut avoir un impact significatif sur le cours de l'action de l'entreprise. La société crée une demande supplémentaire pour ses actions sur le marché, ce qui peut contribuer à soutenir ou à augmenter le cours de l'action. 
  • En réduisant le nombre d'actions en circulation, le rachat d'actions peut mécaniquement engendrer une hausse du bénéfice par action (BPA), ce qui peut rendre l'action plus attractive pour les investisseurs. 
  • Le rachat d'actions propres peut également être utilisé pour distribuer les bénéfices aux actionnaires de manière plus efficace. Lorsque l'entreprise achète ses propres actions, elle les retire du marché, ce qui réduit le nombre d'actions éligibles aux dividendes. Cela signifie que les bénéfices futurs de l'entreprise peuvent être répartis entre un nombre plus restreint d'actions, et donc potentiellement entraîner une augmentation des dividendes par action. Cela aurait pour effet de plaire au marché et donc une hausse du cours, même si dans ce cas, la hausse de ce ratio est artificielle. 
  • Avec moins d'actions disponibles pour être achetées et vendues sur le marché (si les actions sont annulées), d'un point de vue économique, la diminution du nombre d'actions en circulation entraîne une réduction de l'offre d'actions. Cependant, la demande d'actions de l'entreprise reste généralement inchangée, car les investisseurs sont toujours intéressés par l'achat et la vente des actions restantes. Lorsque l'offre d'actions diminue et que la demande reste stable, cela crée un déséquilibre entre l'offre et la demande, ce qui peut entraîner une augmentation du cours des actions. En d'autres termes, le ratio bid/ask est affecté en faveur du cours des actions, car il y a moins d'actions disponibles à l'achat et à la vente, mais la demande pour ces actions reste constante.

Bien que le rachat d'actions puisse avoir un impact positif sur le cours des actions en réduisant l'offre de titres en circulation et en créant un déséquilibre entre l'offre et la demande, il est important de noter que cet effet n'est pas garanti (tout comme pour les éléments cités précédemment d’ailleurs) et peut varier en fonction de divers facteurs (la réaction du marché aux annonces de rachat d'actions peut être différente selon les attentes des investisseurs et la perception de la santé financière de l'entreprise, etc...). Il nous faudrait donc une vision plus large pour véritablement pondre une analyse correcte, mais cet article est dédié au rachat d’actions alors retournons à nos moutons. 

Les raisons citées jusqu’à présent devraient toutes avoir un effet positif sur le cours de bourse de l’entreprise. Dans nos analyses, nous prenons d’ailleurs en compte ce paramètre car il permet de mieux comprendre et de nuancer certaines variations, et accessoirement la belle évolution de certains ratios (BPA, dividendes…) qui seraient potentiellement truffés d’une annulation d’actions. A contrario, un gros accroissement de titres au fil du temps est un red flag, un signal de prudence, mais ce n’est pas l’objet de la discussion ici. 

Performance du S&P 500 et S&P 500 Buyback sur 20 ans (monthly) : 

(Source : Bloomberg)

En revanche, nous allons nous intéresser à quelques éléments qui peuvent semer le trouble chez les investisseurs. L'entreprise utilise ses liquidités et/ou s'endette éventuellement pour réaliser une opération de rachat d'actions. Cela signifie-t-il qu'il n'y a pas d'autres investissements prévus ? Le marché pourrait percevoir cela négativement, en y voyant un signe que l'activité principale de l'entreprise a atteint sa maturité et qu'elle n'a pas trouvé de meilleurs investissements, faute de réussir à se développer sur d'autres marchés.

Cette opération financière a d'ailleurs suscité de nombreuses controverses au sein de certains économistes et politiques (comme vous pouvez le lire içi). Le professeur d'économie William Lazonick a observé un changement dans la pensée économique vers la maximisation de la valeur actionnariale, qui a conduit les entreprises à privilégier les rachats d'actions et les dividendes plutôt que les investissements à long terme. Cette approche a contribué à la concentration des richesses, à l'érosion des emplois de la classe moyenne et à un ralentissement de l'innovation au sein des entreprises (car elles ont moins d’argent à consacrer à la R&D). Les dirigeants d'entreprise privilégient leur propre prospérité plutôt que d'investir au sein de l’entreprise, ce qui nuit à l’économie réelle. 

Des législateurs ont proposé des mesures pour limiter les rachats d'actions. Certains experts estiment que le rythme croissant des rachats d'actions pourrait constituer une menace pour l'économie dans son ensemble.

Au final, on ne peut pas affirmer que le rachat d’actions augmente systématiquement le cours de bourse d’une entreprise. Les travaux de Pascal Quiry et Yann le Fur remettent en question cette idée très répandue. Ils soulignent que la recherche scientifique montre que l'impact des rachats d'actions sur les cours est marginalement positif et peu significatif. Plusieurs raisons expliquent cette divergence entre les faits et le sentiment du grand public, notamment la confusion entre la cause et la conséquence, les limites réglementaires des rachats d'actions et l'illusion du bénéfice par action (BPA). L'étude nous apprend qu'il est important de ne pas confondre les rachats d'actions avec les performances réelles des entreprises. Sur une période plus courte, mais de longue durée quand même, on peut déjà nuancer le graphique présenté précédemment. 

Performance du S&P 500 et S&P 500 Buyback sur 10 ans (weekly) :

(Source : Bloomberg)

Bien que ces impacts puissent constituer l'objectif principal du rachat d'actions par une société, les motivations de ces dernières sont souvent plus subtiles.

Parmis les différents objectifs possibles du rachat d'actions, on peut aussi citer : 

Propriété : L'un des principaux avantages de cette opération est qu'elle entraîne une propriété accrue de l'entreprise pour les actionnaires restants. Lorsque le nombre d'actions en circulation diminue, la proportion de chaque actionnaire par rapport au nombre total d'actions augmente. En d'autres termes, la participation relative de chaque actionnaire dans l'entreprise augmente, ce qui signifie qu'ils détiennent une part plus importante de l'entreprise. Le rachat d’actions pourrait avoir comme principal objectif l’augmentation de pouvoir des actionnaires principaux. Pour une OPRA c’est sensiblement la même chose, étant une autre technique de rachat d’actions. A titre d’exemple, dans la lettre n°102 de Vernimmen : « Si la famille n’y participent pas, c’est qu’ils font un autre raisonnement qu’un raisonnement financier. Ainsi, la famille Bouygues, si la totalité des actions visées par l’OPRA sont effectivement rachetées (et annulées), verra sa participation passer de 18,6% à 21,1% des actions et de 27,5% des droits de vote à 30%, soit le maximum possible compte tenu du seuil d’offre obligatoire à 30%. … Cette OPRA est une opération assez opportuniste pour la famille Bouygues qui lui permet, sans nouvel investissement de sa part, de porter son contrôle sur le groupe au maximum possible, sécurisant ainsi son contrôle ».

Stock-options : Les actions rachetées peuvent être utilisées pour alimenter des programmes de stock-options par exemple pour les employés, ce qui peut contribuer à attirer et à fidéliser les talents. Mais aussi à mieux gérer les conflits d’intérêts entre les dirigeants et les actionnaires en proposant des stock-options à l’équipe managériale. 

Bouclier de défense contre une OPA : Le rachat d’actions peut également être utilisé par l’entreprise en tant que dispositif de défense contre une offre publique d'achat (OPA) agressive. Cela permet de réduire le nombre d'actions disponibles, augmenter leur prix et ainsi rendre l'acquisition plus coûteuse pour l'acheteur agressif. De plus, cela peut dissuader l'acheteur potentiel en montrant la confiance de l'entreprise en sa propre valeur.

Contrôle de l'entreprise : Le rachat d'actions peut permettre aux actionnaires majoritaires de renforcer leur contrôle sur l'entreprise en augmentant leur part relative du capital. De plus, en réduisant le flottant (nombre d'actions disponibles pour les investisseurs), l'entreprise peut limiter la possibilité pour d'autres actionnaires de prendre le contrôle.

Les entreprises ayant un excédent de trésorerie peuvent également décider de le distribuer aux actionnaires : Lorsqu'une entreprise dispose d'un excédent de liquidités qu'elle n'a pas besoin d'utiliser pour financer ses activités courantes ou ses investissements, elle peut choisir de racheter ses propres actions. Cette opération permet de redistribuer l'excédent de trésorerie aux actionnaires, qui peuvent vendre leurs actions à l'entreprise à un prix généralement avantageux. En effet, le rachat d’actions, tout comme les dividendes, représente un moyen de distribuer de la richesse aux actionnaires. L'un des avantages du rachat d'actions est qu'il est généralement moins coûteux que la distribution de dividendes. Cela est particulièrement vrai si les gains en capital sont soumis à un taux d'imposition inférieur à celui du revenu ordinaire, ce qui est le cas dans la majorité des pays.

Il n’est donc pas surprenant de voir que le rachat d’actions a eu le vent en poupe ces dernières années : 

Optimisation de la structure financière : Le rachat d'actions peut également être utilisé pour ajuster la structure financière de l'entreprise, en particulier le ratio d'endettement. En rachetant ses propres actions, l'entreprise réajuste sa structure de capital et augmente potentiellement son ratio de levier financier, ce qui peut améliorer la rentabilité des capitaux propres et rendre l'entreprise plus attractive pour les investisseurs.

Sous estimation des actions par le marché : Le rachat d'actions peut être motivé par une sous-évaluation du cours boursier lorsque l'entreprise estime que ses actions sont sous-évaluées sur le marché. En effet, il ne faut pas oublier que les dirigeants ont l’avantage d’avoir une connaissance fine de l’entreprise, par rapport au reste du marché (ce qui crée une asymétrie d’information). "Lorsque des entreprises aux activités remarquables et à la situation financière confortable voient leurs actions se vendre bien en deçà de leur valeur intrinsèque sur le marché, aucune autre action ne peut profiter aux actionnaires aussi sûrement que les rachats." - Warren Buffet.

Il est important de noter que le rachat d'actions propres n'est pas la seule méthode pour augmenter la propriété de l'entreprise par les actionnaires restants. D'autres méthodes, telles que l'émission de nouvelles actions ou l'acquisition d'autres entreprises, peuvent également affecter la structure de propriété de l'entreprise. Chaque méthode a ses propres avantages et implications. L'impact du rachat d'actions sur le cours de bourse dépend de nombreux facteurs, et les conséquences de cette opération peuvent varier en fonction des objectifs poursuivis par l'entreprise.