par John Davison

RAKKA, Syrie, 21 août (Reuters) - Quand un tir de mortier a démoli l'appartement d'un immeuble de la ville de Rakka, en Syrie, contrôlée par les djihadistes du groupe Etat islamique, tuant quatre personnes, Shawakh al Omar a décidé qu'il était temps de partir.

Cet homme de 57 ans vivait avec 16 membres de sa famille dans une seule pièce de l'appartement d'à côté.

"Nous n'avons pas eu le temps d'enterrer les corps de nos voisins, nous sommes partis", raconte-t-il le lendemain, assis à côté de ses filles et de ses petits-enfants dans un camp de déplacés près de la ville de Tabka, à 50 km à l'ouest de Rakka.

Tout le voisinage l'a suivi cette nuit-là, explique-t-il, alors que les combats s'intensifiaient entre les Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis, et les combattants de l'EI.

"Lorsque que nous avons atteint la route principale, les balles des djihadistes ont commencé à fuser, ils essayaient de nous arrêter. Puis les Forces démocratiques syriennes ont répondu à leurs tirs. Nous avons décidé de rejoindre les territoires contrôlés par les FDS", poursuit-il.

Beaucoup ont tenté de s'installer dans la périphérie de Rakka, avant de rejoindre à contrecoeur les camps de réfugiés où les conditions de vie sont "inhumaines", selon la Croix-Rouge. Les Nations unies estiment que plus de 200.000 personnes ont fui Rakka au cours des derniers mois et que 20.000 civils sont encore retenus là-bas.

La famille d'Abdoul Hassan Ibrahim s'est réfugiée elle dans les quartiers ouest de Rakka. Ils ont fui la ville en bateau, franchissant l'Euphrate, quelques semaines plus tôt, lorsque l'offensive contre l'EI a été lancée.

"Tout le voisinage a décidé de s'enfuir ensemble. Je parle de centaines de personnes", dit Ibrahim, qui s'est réfugié dans le quartier d'Al Sabahiya.

"Beaucoup ont pris leur bateau ou traversé le fleuve à la nage. Nous étions dix dans un petit bateau et nous devions nous accrocher aux flancs et plonger sous l'eau pour éviter les balles" des djihadistes, se souvient-t-il.

DES BOMBES DE L'EI DISSIMULEES DANS LES BATIMENTS

Les deux familles sont saines et sauves, mais leur calvaire n'est pas terminé. Shawakh al Omar, qui vit actuellement dans une tente en bordure du camp, doit encore rejoindre la maison d'un proche en dehors de Tabka.

Quant à la famille d'Abdoul Hassan Ibrahim, les FDS leur ont demandé de quitter leur logement temporaire - la troisième fois depuis qu'ils sont partis - à cause des combats aux alentours.

"Où devrions-nous aller ? Je ne sais plus quoi faire", déplore-t-il.

Les islamistes de l'EI ont piégé de nombreuses maisons dans la quartier d'Al Sabahiya. "C'est toujours dangereux ici, il y a des tireurs d'élite et des maisons piégées avec des explosifs", dit un responsable des renseignements des FDS, Abdoullah Matar. "Nous avons conseillé aux familles de partir le plus vite possible."

D'après lui, des drones de l'EI ont largué des explosifs dans la zone récemment, une tactique souvent utilisée contre les forces de la coalition sous commandement américain.

"Des combattants de l'EI vont essayer de dissimuler dans la foule. Ils cachent des bombes dans les bâtiments aux abords de la ville avant de venir les récupérer". (Arthur Connan pour le service français)