Les actions d'EDF ont chuté de 25 % et étaient prêtes à connaître leur pire journée de négociation après que le gouvernement français a ordonné à l'entreprise de vendre davantage d'énergie nucléaire bon marché à ses rivaux afin de limiter la hausse des prix de l'électricité.

EDF, qui est détenue à 80 % par le gouvernement français, a déclaré que cette mesure coûterait à l'entreprise jusqu'à 8,4 milliards d'euros (9,64 milliards de dollars) et a revu à la baisse ses prévisions de bénéfices pour 2022.

À trois mois d'une élection présidentielle, le gouvernement du président Emmanuel Macron est confronté à une pression publique croissante sur l'augmentation du coût de la vie.

En promettant de plafonner les hausses de prix de l'électricité à 4 % cette année, il a laissé les investisseurs d'EDF ressentir la douleur plutôt que les ménages.

L'action EDF était en baisse d'environ 17% à 8,64 euros à 1023 GMT, après avoir touché plus tôt son plus bas niveau depuis septembre 2020. La société a perdu plus de 40 % de sa valeur boursière en un mois seulement.

Aggravant les difficultés d'EDF, le groupe a également abaissé sa prévision de production nucléaire jeudi en fin de journée après que des problèmes techniques l'ont contraint à prolonger l'arrêt d'un cinquième réacteur nucléaire.

Les ventes d'énergie nucléaire à la concurrence et l'arrêt pourraient réduire le bénéfice d'exploitation EBITDA de l'entreprise de 13 milliards d'euros, bien que le chiffre final soit probablement plus proche de 5 à 10 milliards d'euros, selon les analystes de la banque d'investissement Jefferies.

Les prix de l'électricité de la courbe à terme française ont augmenté en début de séance après l'annonce de l'arrêt prolongé du réacteur, mais sont restés bien en dessous des sommets atteints à la mi-décembre.

PROMESSES POLITIQUES

La décision de vendredi est intervenue après des semaines de délibérations au sein du gouvernement français sur la manière de respecter la promesse que les factures d'électricité des ménages n'augmenteraient pas de plus de 4 % cette année.

Macron s'est méfié de l'impact de la crise énergétique européenne sur le coût de la vie avant les élections d'avril. Une augmentation de la taxe sur les carburants en 2018 a déclenché des mois de violentes manifestations de rue qui se sont transformées en une révolte antigouvernementale plus large.

Le ministre des Finances Bruno Le Maire a déclaré au journal Le Parisien que les prix de l'électricité auraient bondi de plus de 35 % sans le nouveau plafonnement des prix.

Cette hausse sera évitée en grande partie en obligeant EDF à vendre davantage d'énergie bon marché sur les marchés. En contrepartie, le gouvernement autorisera une légère augmentation du prix auquel EDF devra vendre cette électricité, mais ce prix restera inférieur au coût de production de l'entreprise et à la moitié du niveau des prix actuels du marché.

Nicolas Goldberg, analyste énergétique chez Colombus Consulting, a déclaré que, bien que le gouvernement ait affirmé que son principal objectif était de protéger les ménages, la flambée actuelle des prix de l'énergie est principalement ressentie par les utilisateurs industriels, dont certains ont déjà déclaré qu'ils devaient ralentir leur production.

"À mon avis, l'effet domino de cette mesure aurait potentiellement été très fort", a-t-il déclaré.

LEVÉE DE CAPITAUX ?

La décision de faire peser sur l'entreprise publique EDF une grande partie de la charge financière nécessaire pour contrebalancer la hausse des prix de l'énergie met à mal une entreprise déjà sous pression après une série d'échecs de la stratégie française en matière d'énergie nucléaire.

JP Morgan a déclaré qu'EDF pourrait avoir besoin de lever des capitaux pour compenser le manque à gagner.

EDF a déclaré cette semaine que le chargement du combustible dans son réacteur EPR de nouvelle génération à Flamanville, un projet qui a déjà plusieurs années de retard et des milliards de dollars de dépassement de budget, serait repoussé de six mois.

L'entreprise est également confrontée à des problèmes techniques liés à la corrosion des soudures des tubes qui affectent quatre de ses anciens réacteurs.

Julien Collet, directeur général adjoint de l'autorité nucléaire française ASN, a déclaré à Reuters qu'EDF avait commencé à examiner si ces problèmes de corrosion existaient ailleurs. EDF pourrait être amenée à étudier la possibilité d'arrêter des réacteurs en dehors de son calendrier prévu, a-t-il dit. (1 dollar = 0,8712 euro) (Rapports de Benjamin Mallet, Benoit Van Overstraeten et Tassilo Hummel ; corrections de Jason Neely et David Goodman)