(Reuters) - La Banque centrale européenne doit continuer à relever ses taux d'intérêt en donnant la priorité à la lutte contre une inflation extrêmement élevée, quitte à freiner la croissance économique, ont déclaré vendredi plusieurs responsables de l'institution de Francfort.

Face à une inflation record en zone euro, où elle a atteint 9,1% sur un an en août, la BCE a décidé jeudi de relever ses taux directeurs de trois quarts de point, une mesure sans précédent, après une augmentation d'un demi-point en juillet.

"L'inflation reste à un niveau inacceptable", a déclaré Peter Kazimir, gouverneur de la banque centrale slovaque et membre du Conseil des gouverneurs de la BCE. "La priorité désormais est de poursuivre vigoureusement la normalisation de la politique monétaire."

Lui faisant écho, Klaas Knot, gouverneur de la banque centrale des Pays-Bas, a déclaré que le ralentissement de la croissance était un mal nécessaire dans la lutte contre l'inflation.

"Nous nous attendons à ce que l'inflation continue d'augmenter dans les mois à venir, ce qui signifie que nous n'avons qu'un seul problème sur notre établi : l'inflation", a-t-il dit dans une interview à la radio néerlandaise BNR. "Et cela veut dire que nous devrons ralentir au moins un peu la croissance économique pour réduire l'inflation."

Alors que la BCE tablait jusqu'ici sur une stagnation de la croissance cet hiver, sa présidente, Christine Lagarde, a reconnu jeudi que l'économie était déjà affectée par plusieurs menaces comme la rupture des approvisionnements en gaz russe, ce qui accroît le risque d'une récession.

Certains responsables de la BCE estiment cependant que le relèvement du coût du crédit ne sera pas suffisant car les pressions inflationnistes sont liées à la flambée des prix de l'énergie et les banques centrales ne peuvent pas agir sur l'offre.

François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, note toutefois que la moitié seulement de l'inflation actuelle provient de la hausse des prix dans l'alimentation et l'énergie, ce qui donne à penser que les pressions inflationnistes se sont généralisées à tous les secteurs de l'économie.

"NOUS AVONS LES MAINS LIBRES" SUR LES TAUX

Réagissant aux anticipations sur la trajectoire future des taux, François Villeroy de Galhau a cependant estimé que la BCE avait toute latitude pour sa prochaine décision politique monétaire.

"Nous avons les mains complètement libres. Personne ne devrait spéculer sur l'ampleur de la prochaine étape", a-t-il dit.

Christine Lagarde a estimé jeudi que le taux neutre, celui qui ne stimule ni ne freine l'économie, n'était pas encore atteint et qu'il faudrait moins de cinq réunions de politique monétaire pour y parvenir, en prenant en compte celle de septembre.

Cela suggère donc des hausses de taux à chacune des réunions de la BCE jusqu'au début de l'année prochaine, une perspective globalement conforme à celle du marché qui prévoit le sommet du cycle de resserrement monétaire au printemps prochain.

François Villeroy de Galhau évalue désormais le taux neutre autour de 2%, contre une estimation précédente comprise ente 1% et 2%.

Le gouverneur de la banque centrale néerlandaise partage le point de vue de son homologue français sur les hausses futures de taux et a déclaré qu'une nouvelle augmentation du coût du crédit de 75 points de base n'était pas acquise même si les perspectives d'inflation ne s'amélioraient pas.

"Si le tableau de l'inflation est toujours aussi mauvais dans six semaines, alors nous agirons de nouveau. Cela ne sera pas nécessairement une hausse de 75 points de base", a-t-il déclaré.

Christine Lagarde a déclaré jeudi qu'une hausse de 75 points de base n'était pas devenue la norme, tout en refusant d'exclure une telle mesure en octobre.

(Reportage Robert Muller, Bart Meier et Dominique Vidalon; rédigé par Balazs Koranyi, version française Claude Chendjou, édité par Bertrand Boucey)