Paris (awp/afp) - Les Vingt-Sept ont adopté un mécanisme pour plafonner les prix de gros du gaz dans l'Union européenne. Mais l'impact sur la facture énergétique des entreprises et consommateurs sera limité, selon des experts qui redoutent de possibles effets négatifs sur la capacité des Européens à s'approvisionner l'hiver prochain.

En quoi consiste le mécanisme de plafonnement?

Le gaz se vend et s'achète sur des plateformes d'échanges au prix de gros par des intermédiaires et parfois directement par des industriels.

Mercredi, le contrat de gros du gaz à un mois (c'est-à-dire pour livraison le mois suivant) s'échangeait à 99,35 euros/mégawattheure sur le marché en euros du TTF, la "Bourse du gaz" aux Pays-Bas, dont les cours servent de référence aux transactions en Europe. En août, il s'était brièvement envolé jusqu'à 345 euros.

Le plafond européen sera déclenché sous deux conditions: si ce prix du contrat mensuel dépasse 180 euros/MWh pendant trois jours consécutifs et s'il est supérieur de 35 euros au prix international du gaz naturel liquéfié (GNL) livrés par navires: la protection n'intervient donc que si les prix du gaz naturel sur le continent s'envolent par rapport à ceux du GNL.

Le dispositif, une fois déclenché, reste en place pendant vingt jours.

Le plafonnement sera automatiquement désactivé si le prix redescend trois jours consécutifs sous 180 euros ou si l'état d'urgence pour l'approvisionnement de l'UE est déclaré.

La facture énergétique des particuliers et entreprises va-t-elle baisser?

"L'impact ultime est très incertain", estime Simone Tagliapietra, de l'Institut Bruegel, parce que le mécanisme dépend d'une double contrainte de prix très élevés (180 euros/MWh), qui risque de se produire rarement.

En cas de tensions sur l'offre gazière mondiale -notamment face à une demande accrue de la Chine--, "tout problème d'approvisionnement, une vague de froid et une réduction insuffisante de la demande européenne pourraient contribuer à ce que les conditions soient remplies", relève cependant Katja Yafimava, de l'institut Oxford Energy.

Mais dans tous les cas, "ce plafonnement vise à empêcher une volatilité extrême, pas à faire baisser dans l'ensemble les prix de l'énergie". C'est-à-dire à éviter les pics extraordinaires atteints en 2022.

"Il n'y a aura aucun impact pour les particuliers et très peu les industriels", confirme Thierry Bros, analyste pétrole et gaz.

"Il n'y a pas forcément de lien direct entre le prix de gros et le prix auquel on paie l'électricité ou le gaz (...) Les gouvernements sont déjà intervenus depuis 18 mois et ont dépensé 700 milliards d'euros pour limiter la hausse des prix et éviter que le prix se répercute" sur le consommateur, note-t-il.

Agir sur le prix de gros n'aura donc de conséquences que pour le petit nombre d'industriels achetant directement sur le marché de gros.

Quelles conséquences pour l'hiver prochain?

"Le principal risque est que le mécanisme compromette la possibilité de sécuriser les approvisionnements (et le remplissage des stocks de gaz pendant l'année 2023, NDLR). Mais dans ce cas, le système sera simplement désactivé", prédit Simone Tagliapietra.

Le risque est plutôt de voir les transactions se faire davantage de gré-à-gré, en-dehors des marchés régulés, pour éviter le plafonnement, rendant les échanges "moins transparents" et plus dangereux pour la stabilité financière, note-t-il.

"Cela va avoir des conséquences négatives puisque (d'habitude) vous garantissez l'approvisionnement par des prix élevés. Avec des prix bas, vous ne garantissez plus rien", juge Thierry Bros, plus pessimiste.

Selon lui, le problème est surtout de créer un précédent d'intervention sur le marché: "Vous allez avoir des opérateurs qui diront +maintenant, il y a un risque que le politique puisse intervenir à tout moment+".

La Norvège, grand fournisseur de l'UE, s'est déjà inquiétée. "Négocier à l'amiable avec elle donnerait de meilleurs résultats qu'un plafonnement", estime M. Tagliapietra.

Quelles solutions face à la crise énergétique?

"L'UE aurait dû décorréler le prix du gaz et l'électricité, c'est un moyen de favoriser une décarbonation du système et de faire baisser le prix de l'électricité", estime Thierry Bros.

"Cette crise ne sera résolue que si nous maximisons l'approvisionnement alternatif au gaz russe, y compris les renouvelables, et si nous réduisons notre demande", conclut Simone Tagliapietra. "C'est aussi le seul moyen de baisser structurellement les prix de l'énergie".

afp/al