par Emmanuel Jarry

Paris peut désormais s'abriter derrière le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, qui a fait savoir mercredi qu'il soutenait l'instauration d'un tel mécanisme.

Peu auparavant, la ministre française de l'Economie avait déclaré que c'était une des pistes examinées par le groupe de travail des Vingt-Sept, présidé par Herman Van Rompuy, sur l'élaboration d'une gouvernance économique européenne.

"Ce n'est pas proposé par la France", s'était cependant empressée d'ajouter Christine Lagarde.

Pour être "efficace", la zone euro doit se doter d'une politique coordonnée et d'un mécanisme de gouvernance au "niveau décisionnel approprié", afin de pouvoir être "une véritable zone économique et monétaire", a-t-elle expliqué.

Mais pour préciser aussitôt : "C'est ma conviction personnelle, ce n'est pas une position française que je déclarerais haut et fort."

Pourtant, selon l'édition du week-end du quotidien Le Monde, Nicolas Sarkozy souhaite la constitution d'un forum des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro doté d'un secrétariat, qui serait de facto le gouvernement économique de l'Europe.

Selon une source européenne à Bruxelles, dans l'esprit d'Herman Van Rompuy le gouvernement économique n'aurait pas forcément de secrétariat propre mais pourrait s'appuyer, comme les sommets européens actuels, sur la structure du secrétariat du conseil de l'Union européenne".

SARKOZY INHABITUELLEMENT DISCRET

Le président français avait déjà défendu, mais sans succès, cette idée lors de la présidence française de l'Union, fin 2008, en pleine crise financière internationale.

Elle refait aujourd'hui surface, alors que l'euro est ébranlé par la crise de la dette grecque et la défiance des marchés à l'égard de la politique économique des Vingt-Sept.

"L'idée est d'institutionnaliser le débat au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. C'est le cas pour l'Union européenne", explique une source gouvernementale à Paris. "Que fait-on pour les Seize de la zone euro, qui n'ont pas toujours les mêmes intérêts que les 11 autres membres de l'Union ?"

Il n'y a pas que la France qui défende cette idée et ce n'est pas forcément elle qui la pousse au sein du groupe Van Rompuy, ajoute-t-on cependant de même source.

Tout le problème est de savoir comment amener l'Allemagne à la faire également sienne, alors qu'elle s'y était fermement opposée fin 2008-début 2009.

Nicolas Sarkozy aura l'occasion lundi d'en discuter avec Angela Merkel à Berlin, lors d'un dîner de travail à l'invitation de la chancelière allemande.

Depuis le début de la crise de la dette grecque, le président français s'est montré d'une grande discrétion à l'égard d'un partenaire allemand qui s'est longtemps fait prier, d'abord pour accepter de venir au secours d'Athènes, puis pour se rallier à l'idée d'un mécanisme européen de stabilisation.

L'Elysée invoquait il y a quelques semaines, pour expliquer cette discrétion inhabituelle chez Nicolas Sarkozy, les difficultés politiques intérieures de la chancelière et, surtout, le risque que l'étalement au grand jour de désaccords franco-allemands alimente la spéculation contre l'euro.

L'ALLEMAGNE AMADOUÉE ?

Cette stratégie rencontre un certain succès puisque c'est un ministre allemand des Finances apparemment amadoué, Wolfgang Schäuble, qui a fait point de presse commun avec Christine Lagarde le 21 mai à Bruxelles, lors de la première réunion du groupe Van Rompuy.

Selon des sources européennes, l'Allemagne n'oppose plus un veto à des réunions régulières des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro mais souhaite des contreparties, par exemple en termes de discipline budgétaire et de définition du champs d'intervention de ces réunions.

"Les positions ne sont pas cristallisées", affirme-t-on du côté français.

Herman Van Rompuy doit faire circuler un document le week-end prochain et rendre compte le 17 juin de l'avancement des travaux de son groupe au Conseil européen, avec l'espoir d'obtenir un accord des Vingt-Sept.

"Sur le volet préventif, il y aura de grandes convergences de vues sur la nécessité de mieux coordonner en amont les politiques économiques et budgétaires", assure à Paris une source gouvernementale française.

Avec Julien Toyer à Bruxelles, édité par Yves Clarisse