Le "couple franco-allemand", en quête d'un nouveau souffle, est souvent apparu en désaccord sur ces questions ces dernières années, ce qui a alimenté les interrogations sur sa solidité, malgré les compromis qu'il finit toujours par conclure, notamment pour sauver la zone euro.

Toute la journée, la chancelière chrétienne démocrate allemande et le président socialiste français se sont employés à conjurer les doutes sur l'état des relations franco-allemandes en multipliant signaux et déclarations d'intention et d'amitié.

"Ce que nous vivons est plutôt un point haut de l'amitié entre la France et l'Allemagne", a assuré François Hollande lors d'une conférence de presse commune, après la réunion du 15e conseil des ministres franco-allemand.

"Entre nous, le courant passe sans qu'il soit besoin de mettre de l'électricité", a-t-il plaisanté.

Angela Merkel a abondé dans son sens, tout en précisant, malicieuse, que c'était "peut-être le secret le mieux gardé".

Les deux dirigeants sont passés au tutoiement en privé et même, pour ce qui concerne la chancelière, pourtant peu encline aux familiarités, en public -"Je voudrais te remercier de m'avoir invitée (...) à marcher sur les traces de Konrad Adenauer et Charles de Gaulle" (les signataires du traité de l'Elysée), a-t-elle dit devant un millier de parlementaires des deux pays réunis au Bundestag.

"DÉCLARATION DE BERLIN"

Lors de leur conférence de presse, les deux dirigeants ont assuré qu'il y aurait un accord franco-allemand sur le budget européen pour le prochain conseil européen, le 7 février, malgré la question du "rabais" dont bénéficie l'Allemagne.

Dans la "déclaration de Berlin" adoptée par le conseil des ministres franco-allemand, les deux pays se disent déterminés à développer leur coopération et à la "mettre au service de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire", qui a traversé en 2012 une crise profonde.

Ils "prendront des initiatives ambitieuses pour définir les étapes de cet approfondissement et établir les politiques, les instruments et le cadre institutionnel démocratique nécessaire à sa réalisation" et annoncent le dépôt d'une contribution commune en mai pour préparer les décisions du Conseil européen de juin.

"Ce que nous souhaitons avant tout, c'est renforcer la coopération économique", a dit Angela Merkel lors d'une conférence de presse commune avec François Hollande.

Mais devant les parlementaires français et allemands réunis au Bundestag, le président français a précisé que le dessein final était plus ambitieux.

"Nous devons, France et Allemagne, à travers l'approfondissement de l'union économique et monétaire (...) faire en sorte que cette UEM débouche aussi sur l'union politique", a-t-il expliqué.

Parmi toute une série de thèmes de coopération, déclinés en 75 points dans une autre déclaration adoptée par le conseil des ministres, les deux pays se disent aussi prêts à réfléchir en commun à des mesures conjointes pour doper leur compétitivité.

"DIALOGUE STRATÉGIQUE"

Les deux gouvernements invitent les organisations patronales et syndicales des deux pays à créer un groupe de travail franco-allemand sur les questions de compétitivité et de "modèle social".

"Nous leurs demandons de s'asseoir ensemble et eux aussi d'avancer des propositions", a dit Angela Merkel, qui a salué un "premier succès" obtenu en France en matière de compétitivité grâce à l'accord entre partenaires sociaux conclu le 11 janvier.

Les deux documents ne vont guère au-delà des intentions mais insistent néanmoins sur des mesures communes en faveur de la formation et de l'emploi de la jeunesse, comme le développement du bilinguisme et des diplômes binationaux.

Les deux gouvernements annoncent la création d'une première agence pour l'emploi commune en zone frontalière, à Kehl, "avec pour objectif, à terme, le développement d'un réseau d'agences franco-allemandes dans l'espace frontalier".

Ils s'engagent également à faciliter la coopération entre industriels, à renforcer leur coopération dans la recherche et l'innovation, le transport et l'énergie -un domaine où France et Allemagne ont fait jusqu'ici des choix divergents.

Ils s'engagent enfin à améliorer leur "dialogue stratégique" afin de pouvoir prendre ensemble leur part de responsabilité dans la gestion des crises, "y compris grâce aux unités prêtes à intervenir" comme celle de la Brigade franco-allemande.

Angela Merkel a cependant exclu que des soldats allemands rejoignent sur le terrain les forces françaises engagées dans la lutte contre les djihadistes du nord du Mali, un dossier évoqué longuement lundi soir par les deux dirigeants lors d'un dîner.

François Hollande n'en a pas moins eu de cesse de remercier l'Allemagne pour son soutien politique, logistique et financier à l'intervention française au Mali.

"L'Allemagne fait le service qui correspond à sa situation", fait-on valoir dans l'entourage du chef de l'Etat français.

Edité par Yves Clarisse

par Emmanuel Jarry