par Tim Hepher

De la confusion pourrait alors émerger un savant compromis qui permettrait à tous les protagonistes, sinon de crier victoire, du moins d'éviter les conséquences financières et sociales d'un échec.

Airbus et les sept pays qui ont commandé l'A400M se sont donnés rendez-vous mardi prochain à Berlin pour reprendre les discussions engagées sur les dépassements de coûts du projet, estimés à 11 milliards d'euros, a annoncé le ministère allemand de la Défense.

Les espoirs sont tournés vers le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel, dont les deux pays représentent 60% des 180 commandes de l'appareil.

Les deux dirigeants doivent se rencontrer à Paris le 4 février pour un sommet franco-allemand. Et si le dossier A400M n'est pas inscrit à l'ordre du jour officiel, certains experts espèrent une "déclaration de soutien" commune qui chargerait les ministres de la Défense de trouver une solution.

Le programme A400M, d'un montant initial de près de 20 milliards d'euros, porte sur la construction de 180 avions destinés à équiper les forces armées de sept pays de l'Otan: l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne, le Luxembourg et la Turquie. Mais des problèmes de moteur et des retards ont abouti à des dépassements de coûts évalués aujourd'hui à 11,2 milliards d'euros.

Une initiative franco-allemande permettait à la fois de soulager EADS, qui a inscrit de lourdes provisions liées à l'A400M dans ses comptes 2009, et d'ouvrir la voie à des solutions diplomatiques permettant de faire repasser au premier plan les considérations financières.

"Une fois que la volonté politique sera là, il restera à déterminer combien cela coûtera à EADS et aux acheteurs", a dit une source proches des discussions.

DEUX PROPOSITIONS D'EADS REJETÉES

Les investisseurs se demandent si EADS en a réellement fini avec la réévaluation des coûts du projet et s'il est en mesure d'estimer les provisions qui restent à passer dans ses comptes.

Les 11,2 milliards d'euros de dépassements actuels incluent 3,6 milliards que le groupe d'aéronautique et de défense dit pouvoir récupérer grâce à des économies, même si des audits ont souligné les lacunes de son contrôle interne.

Si EADS parvenait à réaliser ces économies, il resterait à trouver 7,6 milliards d'euros pour maintenir le projet à flot.

A ce jour, ont expliqué des sources, deux propositions d'EADS ont été rejetées.

La première réclamait aux pays clients un effort supplémentaire de 5,2 milliards d'euros, l'équivalent d'une hausse de 27% du prix de l'avion. Elle a été rejetée par les gouvernements.

Une offre révisée prévoyant 4,4 milliards d'euros d'aides publiques nouvelles (hors inflation des matières premières) a elle aussi été fraîchement accueillie et les deux parties restent divisées, ont expliqué des sources au fait du dossier. Selon le parlement allemand, les pays acheteurs n'ont offert que deux milliards.

Dans les deux cas, EADS a proposé aux acheteurs soit de payer plus cher chaque avion, soit de réduire le nombre d'avions qu'ils recevront, en repoussant au-delà de 2020 un règlement définitif et la livraison des appareils restants.

Selon Nick Cunningham, analyste spécialisé d'Evolution Securities à Londres, le cours actuel de l'action EADS (proche de 14 euros) intègre des provisions pour l'A400M d'un montant maximal d'environ trois milliards d'euros en plus de celles de 2,4 milliards déjà passées.

Pour combler les manques, sur la base des données disponibles, EADS pourrait en théorie accepter un partage équitable des surcoûts avec ses clients, soit une facture de 3,8 milliards pour chacune des parties. Le prix unitaire de l'A400M augmenterait ainsi de 20%, à environ 130 millions d'euros.

Cela permettrait à EADS de dire qu'il n'assume que la moitié des pertes réelles en provisionnant jusqu'à 2,5 milliards d'euros, selon les calculs de Reuters. Les pays clients, eux, pourraient souligner qu'ils ne paieront qu'un tiers de la nouvelle facture de 11,2 milliards d'euros.

Il est peu probable qu'une solution aussi simple en apparence suffise à aplanir tous les obstacles mais l'idée d'un partage du fardeau "va dans la bonne direction", a estimé une personne proche des discussions.

L'Allemagne n'est cependant prête à payer pour l'instant que la moitié des 1,3 milliard d'euros de surcoûts qui lui reviendraient dans un tel scénario de partage équitable. Critique envers Airbus, Berlin propose à la place des garanties de crédit.

Le sort de l'A400M reste donc entre les mains de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, dont la coopération, faute d'être spectaculaire, est considérée comme fructueuse.

"Si les Français et les Allemands avancent, tout le monde suivra", a dit une source proche des négociations à propos de la recherche d'un compromis.

Avec la contribution de Matthias Blamont, Crispian Balmer, Brian Rohan et Dave Graham, version française Marc Angrand, Nicolas Delame et Gwénaëlle Barzic