A trois jours du sommet du G20 à Toronto, les trois principales économies européennes ont ainsi marqué dans un communiqué commun leur volonté d'aller de l'avant, avec ou sans le consentement des autres membres de ce club des vingt plus grandes puissances industrialisées ou émergentes du monde.

Il s'agit de faire en sorte que le secteur financier contribue "de manière juste et substantielle" au financement des interventions publiques en soutien au secteur bancaire ou en cas de crise financière, lit-on dans ce communiqué.

La taxe vise à garantir une contribution à la hauteur des risques auxquels les établissements bancaires "exposent le système financier et l'économie en général", précise le texte.

Les trois gouvernements espèrent aussi qu'elle aura des vertus prudentielles en encourageant les banques à "apporter les ajustements nécessaires à leur bilan pour réduire ces risques".

Une mesure directement tirée des enseignements de la crise financière de 2008-2009, déclenchée par la crise des prêts immobiliers à risque ("subprimes" aux Etats-Unis).

Les gouvernements allemand, britannique et français proposent que cette taxe soit assise sur le bilan des banques.

LONDRES EN AVANCE SUR PARIS ET BERLIN

Si le principe est le même dans les trois pays, les modalités pourront varier en fonction du contexte et de la fiscalité de chacun d'eux.

"Le niveau de prélèvement tiendra compte dans tous les cas de la nécessité de garantir des conditions équitables", précise cependant la déclaration commune, l'idée étant d'éviter qu'un système bancaire soit favorisé par rapport aux deux autres.

Les trois gouvernements n'en sont pas au même niveau de préparation mais visent une mise en oeuvre en 2011.

L'Allemagne a précisé dès fin mars le cadre dans lequel s'inscrira ce prélèvement et présentera un texte cet été.

La taxe britannique s'inscrit dans un projet de budget d'austérité présenté mardi à Londres par le nouveau gouvernement de David Cameron.

Ce prélèvement applicable à partir de janvier 2011 aux bilans des banques, établissements mutualistes et filiales britanniques des banques installées en Grande-Bretagne sera initialement de 0,04%, puis de 0,07%.

Le gouvernement britannique en attend plus de deux milliards de livres sterling de recettes par an (2,4 milliards d'euros) en vitesse de croisière.

La France présentera quant à elle les modalités détaillées de sa taxe bancaire dans le projet de loi de finances 2011, qui sera soumis au Parlement au début de l'automne.

Selon une source gouvernementale française, ni le taux ni l'assiette n'ont encore été fixées.

TROIS ASSIETTES POSSIBLES

"Nous n'aurons pas nécessairement la même assiette, ni le même taux, ni la même affectation. Cela dépendra du poids du secteur financier de chaque pays", explique cette source. "Elle sera mise en oeuvre selon les spécificités de chaque pays."

"Le secteur financier français n'a pas le même poids que le secteur financier britannique. Il est donc fort probable que le produit de cette taxe sera inférieure en France à ce qu'elle sera en Grande-Bretagne", ajoute-t-elle.

En tout état de cause, l'assiette de la nouvelle taxe sera "fondée sur les risques" pris par les banques, fait également valoir cette source gouvernementale.

Trois possibilités sont actuellement examinées: le passif "retraité" (hors capital et dépôts garantis), les actifs pondérés en fonction des risques et les actifs "illiquides".

Quant au produit de cette taxe, le gouvernement français est plutôt enclin à l'affecter au désendettement de l'Etat.

Depuis deux mois, les banques françaises sont vent debout contre ce projet qu'elles jugent dangereux pour le financement de l'économie.

Les dirigeants français ne se font guère d'illusion sur la possibilité de convaincre leurs partenaires du G20 d'adopter le même type de mesure, à laquelle le Canada, pays hôte du sommet de Toronto, est radicalement opposé.

Ils estiment cependant qu'elle a plus de chance d'avancer que la taxe sur les transactions financières, qui nécessite un consensus, et espèrent parvenir au moins à un accord sur un cadre général laissant chaque pays libre d'adopter ou non un tel prélèvement mais garantissant une certaine harmonie.

Gwénaelle Barzic, Matthieu Protard, Julien Ponthus, Jean-Baptiste Vey et Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse