* Trotskyste dans sa jeunesse et admirateur du "Che"

* Partisan de François Hollande à la primaire

* L'incarnation d'une évolution

PARIS, 1er octobre (Reuters) - Un socialiste inconnu du grand public français et élu anonyme de province, Jean-Pierre Bel, a incarné samedi une révolution institutionnelle en portant la gauche à la présidence du Sénat pour la première fois en plus d'un demi-siècle.

Partisan de François Hollande dans la primaire pour la présidentielle de 2012, cet élu ariégois né le 30 décembre 1951 à Lavaur (Tarn) est un ancien trotskyste. Il a pratiqué de nombreux métiers, de la promotion du tourisme à la pisciculture en passant par la direction d'une station de ski.

Pour gagner, il a surmonté l'incrédulité de son propre parti en menant dans un relatif anonymat, et avec une grande réserve des "ténors" du PS qui ne semblaient guère y croire, une campagne électorale sans précédent pour la gauche, séduisant des notables que l'on croyait voués à voter à droite.

Sans doute son effacement et sa discrétion ont-ils pu plaire dans ce milieu qui redoute traditionnellement les éclats et les paillettes, mais l'élu, entré au Parti socialiste en 1983 en devenant maire du village de Mijanès, n'en revendique pas moins des idéaux et une tradition familiale à gauche.

Proche de la Ligue communiste révolutionnaire dans sa jeunesse, il vénérait le "Che" et portait les pancartes dans les manifestations.

"C'est tout cela ma jeunesse. A l'époque, il ne me serait jamais venu à l'idée à l'idée de venir retrouver les jeunes socialistes et radicaux de gauche, qui ne l'étaient pas suffisamment à mon goût", dit-il dans le livre "La bataille du Sénat", publié avant l'élection par les journalistes Françoise Cariès et Suzette Bloch.

FOOT, RUGBY ET MONTAGNE

Selon ce livre, le sénateur conserve pieusement la mitraillette de son père qui fut communiste et résistant sous l'Occupation allemande dans un maquis de la région toulousaine. Il raconte que son père a été, après la guerre, licencié huit fois et a connu le dénuement matériel.

Jean-Pierre Bel, qui a obtenu un DEA de droit public, a commencé véritablement sa carrière politique dans les années 1980 avec la rencontre de Lionel Jospin, après divers intermèdes dans sa vie professionnelle

Il a été secrétaire national aux fédérations et aux élections à la fin des années 1990 au PS, ce qui a donné la connaissance de l'appareil. Entré au bureau du Sénat en 2001, trois ans après son élection comme sénateur de l'Ariège, il a été élu président du groupe socialiste en 2004 et réélu à ce poste en 2008.

Celui qui s'enflammait pour l'extrême-gauche dans sa jeunesse a en fait incarné la lente émergence de la majorité socialiste dans la haute assemblée, vu comme un bastion des conservatismes et des privilèges et que son parti a toujours regardé avec méfiance et appréhension.

Il en pris les habitudes.

"J'aime déléguer, j'aime que ce soit pacifique", dit-il dans le livre "La bataille du Sénat". Ses adversaires le décrivent en privé comme ennuyeux et peu travailleur. Ses amis estiment qu'il dissimule sous son côté anodin et anonyme une volonté profonde.

Ce quasi sexagénaire, père de trois filles dont une d'un an née d'une récente deuxième union, amateur de rugby, de football et de marche dans les Pyrénées, aura désormais la lourde charge de deuxième personnage de l'Etat, susceptible de devenir président de la République en cas de défaillance, de décès ou de démission du chef de l'Etat.

Il aura surtout la tâche de démontrer que la gauche ne se laisse pas endormir, même dans le plus beau palais de la République entouré de somptueux jardins publics. Dans Le Monde de dimanche, il dit son attachement à l'objectif de "changer les choses concrètement". (Thierry Lévêque, édité par Jean-Loup Fiévet)