(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* La Fed maintient sa posture accommodante sans rassurer

* La tension sur les rendements obligataires persiste

* Les marchés redoutent un accident de politique monétaire

* Même la BoJ parvient à semer le trouble

* La rotation sectorielle pourrait s'atténuer

par Patrick Vignal

PARIS, 22 mars (Reuters) - Les banques centrales sont confrontées à un exercice périlleux en cette période de transition pour l'économie, leurs promesses de demeurer accommodantes ne parvenant pas à rassurer des marchés craignant un resserrement monétaire prématuré.

L'exercice est particulièrement délicat pour la Réserve fédérale, qui anticipe une reprise vigoureuse grâce à une campagne de vaccination massive et au plan de relance budgétaire de 1.900 milliards de dollars (1.600 milliards d'euros environ) qui vient d'être adopté aux Etats-Unis.

Il faudrait y ajouter la remontée des anticipations d'inflation, le tout se reflétant dans la tension observée sur les rendements des emprunts d'Etat américains et menaçant de perturber l'ensemble des classes d'actifs.

Dans ce contexte, le président de la Fed, Jerome Powell marchait sur des oeufs et en a cassé quelques uns mercredi.

La banque centrale table désormais sur une croissance de 6,5% cette année et une accélération de l'inflation à 2,4% mais ne modifie pas sa politique monétaire, ne relèvera pas ses taux avant 2023 au plus tôt et se tient prête à ajuster tous ses instruments pour soutenir l'économie si nécessaire, a-t-il dit en substance.

Le lendemain, le rendement des Treasuries à 10 ans bondissait de plus 10 points de base pour dépasser 1,74% pour la première fois depuis janvier 2020.

"Jerome Powell a inventé un nouveau concept : être extrêmement 'dovish' tout en remontant les estimations de croissance de l'économie américaine", explique John Plassard, spécialiste en investissement chez Mirabaud, livrant ainsi la clé de la perplexité observée sur les marchés.

Le patron de la Fed se chargera lui-même du service après-vente avec trois interventions prévues dans les prochains jours.

UN "TAPER TANTRUM" FAIT PEUR

Même la Banque du Japon, d'ordinaire très prévisible et toujours extrêmement accommodante, a réussi à semer le trouble en évoquant vendredi un ajustement des achats d'actions qu'elle réalise par le biais de fonds indiciels cotés (ETF).

Il ne s'agit pas d'une révolution mais des investisseurs nerveux y ont vu l'amorce d'un resserrement et l'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a perdu 1,4%.

Au Japon comme ailleurs, les marchés redoutent par-dessus tout des turbulences provoquées par une normalisation monétaire ("tapering") mal balisée par les banques centrales.

Ce phénomène, connu sous le nom de "taper tantrum", avait été illustré en 2013 un mouvement de panique sur les marchés l'évocation par Ben Bernanke, alors président de la Fed, d'un arrêt du programme d'assouplissement quantitatif de son institution.

"Le risque ne viendrait pas d'un changement de cadence opérationnelle des banques centrales mais plus d'une évolution du sentiment de marché à l'égard de la communication des banques centrales et de l'horizon d'intervention", explique Alexandre Baradez, responsable de l'analyse des marchés chez IG France.

Cette crainte d'un accident monétaire paraît excessive, juge pour sa part Fabrizio Pagani, responsable mondial de la stratégie économique et des marchés de capitaux pour Muzinich & Co.

"Les banques centrales gardent le cap et la sérénité qu'elles montrent est importante et va rassurer les marchés et les opérateurs économiques", dit-il à Reuters.

CONSOLIDATION EN VUE

La volatilité s'observe surtout sur les rendements des emprunts d'Etat américains et, plus modérément, sur ceux de la dette souveraine européenne, ajoute l'économiste.

"Le marché actions et le marché du crédit n'ont pas réagi de manière particulièrement brutale, même si l'on observe un phénomène de rotation en faveur des secteurs appelés à bénéficier de la réouverture de l'économie et au détriment de ceux qui avaient beaucoup progressé pour atteindre des valorisations élevées", dit-il.

Cette tendance devrait s'atténuer sur les trois prochains mois, le rebond de l'économie mondiale cette année étant déjà largement intégré dans les cours, notamment aux Etats-Unis, où les indices de référence évoluent nettement au-dessus de leurs niveaux d'avant la crise, prévoit Alexandre Baradez.

"La rotation sectorielle ne devrait pas être aussi forte au second trimestre et nous pourrions surtout observer une consolidation globale des indices, qu'ils soient un peu plus 'value' comme le CAC 40 ou le Dax ou plus 'growth' comme le Nasdaq 100 ou même le S&P 500", dit-il.

Les perspectives semblent plus favorables à moyen terme pour les indices européens, notamment parce que la BCE devrait rester plus accommodante que la Fed en raison du retard économique de la zone euro par rapport aux Etats-Unis, selon lui.

Ce retard est également sanitaire, comme l'ont rappelé jeudi les nouvelles mesures de confinement annoncées en France. Au même moment, le président américain Joe Biden déclarait que les Etats-Unis atteindraient dès le lendemain, donc en avance, leur objectif d'administrer 100 millions de doses de vaccin contre le coronavirus à travers le pays.

(édité par Marc Angrand)