* Régime fiscal différencié sur les dividendes pour les OPCVM résidents et non-résidents

* Une décision "inique" selon l'AFG

* E4,2 Mds réclamés à la France sur le passé (Actualisé avec réaction de l'AFG)

par John O'Donnell et Alexandre Boksenbaum-Granier

BRUXELLES/PARIS, 10 mai (Reuters) - La Cour de Justice européenne a jugé jeudi contraire au droit de l'Union la réglementation française qui instaure un régime fiscal différent pour les dividendes d'origine nationale selon qu'ils sont perçus par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) résidents ou non-résidents.

Les litiges à l'origine de ces affaires portent sur le régime fiscal français des dividendes distribués par une société résidant en France aux OPCVM qui ne résident pas dans l'Hexagone.

"Le droit de l'Union s'oppose à la réglementation française qui impose à la source les dividendes d'origine nationale, lorsqu'ils sont perçus par des OPCVM résidents dans un autre État alors que de tels dividendes sont exonérés d'impôts pour les OPCVM résidant en France", a estimé la Cour de Justice européenne.

Selon la réglementation fiscale française, les dividendes versés à des OPCVM non-résidents en France sont imposés à la source, au taux de 25%, tandis que ces mêmes dividendes ne sont pas imposés lorsqu'ils sont versés à un OPCVM résident.

L'Association Française de la Gestion Financière (AFG) a vivement réagi à cette décision qu'elle juge injuste et dont les conséquences budgétaires pourraient être lourdes pour la France.

"ÉCONOMIQUEMENT AUCUN SENS"

"Je trouve cette décision tout à fait inique car elle compare deux traitements fiscaux en ne s'intéressant qu'à une partie de la structure et non son ensemble. Déconnecter le fonds de son investisseur n'a économiquement aucun sens", estime Delphine Charles-Péronne, directeur des affaires fiscales et comptables de l'AFG.

"Cette décision va avoir des conséquences budgétaires importantes puisque 4,2 milliards d'euros sont réclamés à la France sur le passé et qu'il y aura probablement d'autres réclamations", ajoute-t-elle précisant que la retenue à la source représente environ un milliard d'euros par an.

Dix OPCVM belges, allemands, espagnols et des États-Unis, qui investissent notamment dans des actions de sociétés françaises et perçoivent à ce titre des dividendes assujettis à une retenue à la source, ont saisi le tribunal administratif de Montreuil, qui a demandé à la Cour européenne de dire si le droit français s'opposait sur ce point au droit européen en matière de liberté des mouvements de capitaux.

"C'est une mauvaise nouvelle pour la France et d'autres pays en Europe qui ont des réglementations similaires. Ces Etats devront traiter de la même manière les fonds étrangers et les fonds résidents", observe Kit Dickson, spécialiste des questions fiscales chez le cabinet de consultant Deloitte.

Selon lui, cet arrêt pourrait conduire la France à taxer de la même manière résidents et non résidents, donc à 25%, comme ce fut le cas en 2008 lorsque les Pays-Bas ont été amenés à modifier leur réglementation en la matière.

Un avis partagé par Delphine Charles-Péronne, qui assure que la France va être contrainte de réagir soit en supprimant la retenue à la source sur les dividendes versés à des OPCVM étrangers, soit en généralisant le système de retenue à la source pour tout le monde : actionnaires résidents et non-résidents.

"La deuxième solution est plus équitable car elle met résidents et non résidents sur un pied d'égalité. Par ailleurs, dans le premier cas il y a une perte budgétaire future qui devra être compensée par les contribuables français", relève-t-elle.

Pour consulter le communiqué de la Cour sur cet arrêt :

http://link.reuters.com/syj28s (avec Jean-Michel Bélot, édité par Marc Angrand)