* En cinq ans, conservateurs et sociaux-démocrates ont perdu à eux deux plus de 20% des voix dans ce Land de l'ouest

* Ce nouveau recul, après la Bavière, affaiblit la grande coalition de Merkel

* "L'état du gouvernement est inacceptable", juge la dirigeante du SPD

* Les écologistes progressent fortement, l'AfD est désormais présente dans tous les parlements régionaux (Actualisé nouvelles projections, réactions § 2-3-4 15-16 et 20)

par Paul Carrel et Joseph Nasr

BERLIN, 28 octobre (Reuters) - Les conservateurs d'Angela Merkel et les sociaux-démocrates du SPD, les deux pôles de la "grande coalition" au pouvoir à Berlin, ont de nouveau subi de lourdes pertes aux élections régionales qui avaient lieu dimanche dans le Land de Hesse.

L'Union chrétienne-démocrate (CDU), selon une projection affinée de la chaîne ZDF sur la base des premiers résultats, est créditée de 27,2% des voix alors qu'elle en avait obtenu 38,3% lors du précédent scrutin, en 2013.

Le SPD passe, lui, de 30,7% à 19,6% - son plus mauvais score dans ce Land de l'ouest depuis 1946 - et se retrouve au coude à coude avec les Verts. Comme en Bavière il y a deux semaines, les écologistes comptent parmi les grands gagnants de ce scrutin en passant de 11,1% à 19,6%.

Avec 12,8%, le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) continue de progresser et fait son entrée au parlement régional de Wiesbaden. Le parti, qui siège également au Parlement fédéral depuis les élections législatives de septembre 2017, est désormais représenté dans la totalité des législatures des seize Länder allemands.

Les résultats enregistrés dimanche devraient permettre à la CDU de rester au pouvoir, soit en reconduisant son alliance avec les Verts, soit en s'associant au SPD.

Mais les conservateurs et les sociaux-démocrates de la Hesse perdent à eux deux plus de 20% de voix en cinq ans, un recul qui risque d'attiser encore plus les tensions au sein de la "Groe Koalition" au pouvoir à Berlin.

"Nous souffrons à cause de ces pertes mais nous avons aussi appris que se battre vaut le coup", a commenté Volker Bouffier, tête de liste de la CDU et ministre-président sortant du gouvernement régional. Pour cet allié de Merkel, "le message adressé aux parties au pouvoir à Berlin, c'est que les gens attendent moins de querelles et plus d'attention sur les questions importantes".

LE SPD S'INTERROGE

Il y a quinze jours déjà, en Bavière, l'Union chrétienne sociale (CSU), alliée bavaroise de Merkel qui siège également dans la "Groe Koalition", avait subi son plus grave revers depuis 1950 aux élections régionales dans son fief.

"Les politiques menées au niveau fédéral ont largement contribué aux pertes du SPD dans la Hesse. Et ceci pour deux raisons: d'abord, quelque chose doit changer au sein du SPD (...) Ensuite, l'état du gouvernement est inacceptable", a commenté en début de soirée la présidente du SPD, Andrea Nahles.

Elle a ajouté que la direction du SPD se réunirait lundi pour définir une nouvelle feuille de route relative à la participation des sociaux-démocrates au gouvernement Merkel.

L'accord de coalition difficilement accepté en mars dernier, plus de cinq mois après les élections législatives, prévoit une "clause de revoyure" qui permettra aux partenaires de la "GroKo" d'évaluer le travail accompli par le gouvernement à mi-mandat, soit l'année prochaine.

La coalition CDU-CSU-SPD a déjà failli éclater à deux reprises en raison de divergences sur l'immigration et de la proximité présumée de l'ex-chef des services de renseignement Hans-Georg Maassen avec l'extrême droite.

L'AUTORITÉ DE MERKEL EN QUESTION

"Est-ce que la Hesse va faire exploser la GroKo aujourd'hui ", titrait dimanche matin le journal Bild am Sonntag.

Dans le camp social-démocrate en effet, nombreux sont ceux qui plaident aujourd'hui pour un retour dans l'opposition. Et la débâcle dans le Land de Hesse leur donne des arguments supplémentaires.

Pour autant, Josef Joffe, directeur de la publication de l'hebdomadaire Die Zeit, ne croit pas à un départ du SPD. "Un parti en déclin ne peut pas subitement renaître de ses cendres en rejoignant l'opposition. Donc les dignitaires du parti vont serrer les dents, rester dans la coalition et attendre des jours meilleurs", a-t-il dit.

Intervenant sur l'antenne de la ZDF, Lars Klingbeil, secrétaire général du SPD, a abondé dans son sens, écartant la possibilité d'une dislocation de la GroKo et d'un retour anticipé aux urnes. "Je ne pense pas pour le moment qu'il y aura de nouvelles élections", a-t-il dit.

A droite, les élections dans le Land de Hesse pourraient accélérer les interrogations autour de l'avenir d'Angela Merkel, qui en est à son quatrième mandat à la tête du gouvernement fédéral.

Le sondage réalisé pour l'ARD montre que 13% seulement des électeurs de la CDU interrogés dimanche à la sortie des urnes pensent que la chancelière a été un atout pour leur parti dans le Land de Hesse. En 2013, ils étaient 70% de cet avis.

Merkel, au pouvoir depuis treize ans, briguera à nouveau en décembre la présidence de la CDU avec le soutien de ses ténors, malgré le revers qu'elle a subi au Bundestag où Volker Kauder, l'un de ses fidèles, a été évincé de la présidence du groupe.

Elle devrait selon toute vraisemblance être reconduite à la tête de la CDU, mais si elle réalise un faible score, son autorité sera encore amoindrie et le débat autour de sa succession s'accélérera.

Un sondage Emnid publié dimanche crédite la CDU-CSU de 24% des intentions de vote au niveau national, contre 32,9% aux élections de septembre 2017. Le SPD est pour sa part mesuré à 15%, contre 20,5% il y a treize mois.

(Jean Terzian, Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)