par Yann Le Guernigou

Pour les économistes interrogés par Reuters, l'exercice est salutaire mais relève de la mission impossible si le président Nicolas Sarkozy persiste à exclure toute hausse de la fiscalité, au vu des perspectives de faible croissance de l'économie.

"Un retour à l'équilibre en jouant uniquement sur les dépenses paraît peu vraisemblable car les recettes fiscales dépendent dans une large mesure du niveau de croissance", estime Jean-Michel Six, chef économiste de Standard & Poor's en Europe.

"Or la croissance française devrait rester molle dans les trois ans qui viennent", dit-il alors que le Premier ministre François Fillon prévoit environ 1,5% de hausse du PIB en 2010.

Prévue pour le 28 janvier, la conférence sera attentivement suivie par les instances européennes, auxquelles la France doit transmettre prochainement un échéancier sur le redressement de ses finances publiques.

L'objectif affiché est de ramener à moins de 3% d'ici 2013 un déficit qui devrait culminer à plus de 8% du PIB en 2010, soit cinq points de plus qu'au début de la crise.

IMPASSE

L'économiste Christian Saint-Etienne juge impossible d'y parvenir sans relèvement d'impôt.

"Déjà, si on arrivait à le faire pour moitié sous forme de réduction de dépenses et pour moitié sous forme de hausses de recettes, ce serait miraculeux compte tenu de l'histoire des finances publiques françaises", dit-il.

Depuis qu'il a lancé l'idée de la conférence fin novembre, Nicolas Sarkozy a marqué sa volonté de rompre avec ce passé en soulignant que les hausses d'impôts des anciens gouvernements, de gauche comme de droite, n'avaient en rien permis de résoudre les problèmes de déficits et de dette chroniques de la France.

Il souligne à chaque occasion que le niveau de dépenses publiques ramené au PIB (50%) est le plus élevé des pays de l'OCDE et que la voie de l'augmentation des impôts "est une voie fermée". "On n'augmentera pas les impôts parce que c'est une impasse", a renchéri le ministre du Budget, Eric Woerth.

Pour le chef de l'Etat, la conférence sur les déficits doit présenter aux Français un "constat clair et partagé" de la situation et débattre de propositions "pour sortir de la spirale des déficits et de l'endettement".

Elle devrait pour cela mettre en place des groupes de travail chargés de mener cette réflexion avant un deuxième rendez-vous prévu après les élections régionales, en avril ou mai, qui devrait être marqué par l'annonce de décisions.

Nicolas Sarkozy entend y associer "tous les acteurs de la dépense publique" - l'Etat, les collectivités locales et la Sécurité sociale - "qui devront prendre leurs responsabilités".

DOUBLE PEINE

Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) estime cette démarche "intelligente, parce que les déficits, c'est aujourd'hui une question globale liée à l'effondrement de l'activité".

Mais il juge également qu'agir sur les seules dépenses pour retrouver l'équilibre "est impossible et absolument pas souhaitable".

"La crise a fait beaucoup de victimes, comme les chômeurs, et cela équivaudrait pour eux à une double peine. Le plus juste serait d'augmenter les impôts pour ceux qui ont relativement bien passé la crise en termes de revenus", estime-t-il.

Jean-Michel Six fait valoir de son côté que, si les dépenses des collectivités locales ont plus progressé ces dernières années, le coeur du déficit structurel reste l'Etat.

"Il était déjà en déficit à l'entrée de la crise il ne sera pas simple de le réduire", explique-t-il. "On ne le fera pas en s'interdisant des mesures qui, malheureusement, paraissent inévitables, même si ça peut passer par une mise à plat de la fiscalité comme la remise en cause de niches, voire du bouclier fiscal, plutôt que par une hausse des impôts".

Nicolas Sarkozy s'est dit favorable à un débat sur la fixation éventuelle d'une règle budgétaire imposant l'équilibre des finances publiques, comme en Allemagne, qui a inscrit dans sa Constitution des objectifs précis en la matière.

Eric Woerth doit se rendre la semaine prochaine à Berlin pour voir si la France peut s'inspirer de l'approche allemande.

Jean-Michel Six se déclare très sceptique sur une telle mesure : "Cela n'apporterait strictement rien en France, alors que les considérations historiques sont différentes en Allemagne. Ce qu'il faut c'est un plan concret avec des mesures et des échéances très précises."

Avec la contribution d'Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse