* Poutine promet d'honorer le prêt de $15 milliards

* Son ministre de l'Economie sème le doute sur le calendrier

* La composition du gouvernement sera prise en compte, dit-il

* Deux milliards seront versés "très bientôt", assure Kiev

* L'Ukraine au bord de la guerre civile, selon Kravtchouk

par Steve Gutterman et Richard Balmforth

MOSCOU/KIEV, 29 janvier (Reuters) - Le président russe Vladimir Poutine a ordonné mercredi à son administration d'honorer l'aide financière de 15 milliards de dollars promis à l'Ukraine, mais l'un de ses ministres a laissé entendre que la composition du prochain gouvernement ukrainien pourrait peser sur le calendrier des versements.

A Kiev, le Premier ministre par intérim Serhiy Arbouzov s'est engagé à tout faire pour minimiser les conséquences de la crise politique qui dure depuis novembre et a dit s'attendre à un deuxième versement rapide, de deux milliards de dollars, de la part de la Russie.

Une première tranche de trois milliards de dollars de cet emprunt obligataire émis par l'Ukraine, a été souscrite fin décembre par la Russie.

Comme la veille à Bruxelles, lors du sommet Union-Russie, Vladimir Poutine a assuré que l'aide financière de Moscou était garantie, même si l'opposition pro-européenne forme le prochain gouvernement.

"Je vais demander au gouvernement d'appliquer pleinement tous nos accords financiers", a déclaré le président, selon l'agence de presse Interfax.

Alexeï Oulioukaïev, son ministre de l'Economie, a toutefois semé le doute sur le calendrier des versements. "Notre détermination à remplir ces obligations a été confirmée. En ce qui concerne le calendrier et les modalités, c'est un sujet qui demande de nouvelles discussions avec nos collègues ukrainiens et l'examen de la restructuration du gouvernement", a-t-il expliqué, cité lui aussi par Interfax.

Vladimir Poutine a annoncé le renflouement de l'Ukraine à hauteur de 15 milliards de dollars en décembre. L'opposition et les puissances occidentales y ont vu l'expression du satisfecit de Moscou après la volte-face du président Ukrainien Viktor Ianoukovitch, qui a renoncé in extremis à un accord d'association et de libre échange avec l'Union européenne pour se tourner vers la Russie.

Sa décision est également à l'origine du vaste mouvement de contestation qui a entraîné mardi la démission du Premier ministre Mikola Azarov. Le vice-Premier ministre Serhiy Arbouzov assure l'intérim, mais on ignore quand sera formé le nouveau gouvernement.

"UNE RÉVOLUTION"

"Le pays est au bord de la guerre civile", a jugé mercredi Léonid Kravtchouk, premier président de l'Ukraine indépendante.

"Nous devons appeler ce qui se passe par son nom. Il s'agit d'une révolution parce qu'il est question d'une tentative pour changer de pouvoir", a-t-il déclaré à la Rada, le parlement monocaméral ukrainien.

Les concessions que le chef de l'Etat et la majorité parlementaire semblent désormais décidés à faire à l'opposition, ajoutées au départ de Mikola Azarov, natif de Russie et partisan de la fermeté, ont semé le doute sur la poursuite de l'aide financière de Moscou.

"Nous avons déjà reçu une première tranche d'aide de trois milliards de dollars (2,2 milliards d'euros) et nous espérons recevoir une seconde tranche de deux milliards de dollars très bientôt", a toutefois déclaré mercredi Serhiy Arbouzov lors de son premier conseil des ministres en tant que chef du gouvernement.

En coulisse, majorité et opposition négocient les termes d'une loi d'amnistie pour les manifestants interpellés depuis le début de la contestation. D'abord centré sur l'avenir européen de l'Ukraine, le mot d'ordre s'est ensuite élargi à la lutte contre la corruption des élites et la dérive autocratique reprochée au chef de l'Etat.

Plusieurs centaines de contestataires campaient toujours place de l'Indépendance à Kiev, mercredi, tandis que d'autres, plus radicaux, affrontaient les forces de l'ordre aux abords du stade de football où se produit le Dynamo Kiev.

Les détracteurs de Viktor Ianoukovicth occupent en outre de nombreux bâtiments administratifs à travers le pays, dont l'Hôtel de ville de la capitale et le siège du ministère de l'Agriculture.

Le Parti des régions, dont le président est issu, exige l'arrêt du blocus et le démantèlement des barricades en préalable à l'amnistie, ce que les chefs de file de la contestation ont exclu.

"Pour nous, il est tout simplement impossible de dire aux gens: 'Vous avez fait le nécessaire, maintenant il faut rentrer chez vous", a ainsi estimé l'ancien boxeur Vitali Klitschko.

La veille, la majorité parlementaire avait fait une concession de taille en abrogeant les lois anticontestation adoptées à la hâte le 16 janvier pour tenter d'étouffer le mouvement. (Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Danielle Rouquié)