par Ingrid Melander

L'abaissement d'un cran à "A3" de la note de la Grèce a pesé sur les marchés financiers, l'euro plongeant à un plus bas de près d'un an face au dollar, tandis que les valeurs bancaires grecques ont chuté de 5,4% et le coût de la protection contre un défaut de la Grèce sur ses emprunts à cinq ans a dépassé les 600 points de base (pdb), à 616 pdb, selon CMA DataVision.

En outre, les rendements des emprunts d'Etat grecs ont dépassé ceux de certains marchés émergents à plus de 9% pour les titres à 10 ans, alors que ceux des obligations russes de même maturité s'élèvent à moins de 7%.

Moody's a justifié sa décision en expliquant qu'il existe un "risque important que la dette puisse seulement se stabiliser à un niveau plus élevé et plus coûteux que précédemment estimé".

Les investisseurs ont également sanctionné la Grèce pour la révision d'Eurostat sur le niveau du déficit budgétaire du pays en 2009. Selon l'organisme de la statistique de l'Union européenne, le déficit grec a atteint 13,6% du PIB l'an dernier et non 12,7% comme envisagé auparavant.

"RÉSERVES SUR LA QUALITÉ DES DONNÉES"

Eurostat a en outre prévenu que ces chiffres pourraient être de nouveau révisés entre 0,3 et 0,5 point de PIB et a exprimé "ses réserves sur la qualité des données communiquées par la Grèce".

"Il est peu probable que la note reste à A3, à moins que les mesures du gouvernement puissent restaurer la confiance sur les marchés et contrer les vents contraires que sont des taux d'intérêt élevés et une croissance faible, qui pourraient finalement nuire à la capacité du gouvernement de réduire durablement le niveau de la dette", estime Sarah Carlson, analyste de Moody's sur la Grèce.

Cette spécialiste a ajouté que l'agence de notation pourrait mettre un terme à la surveillance de sa note à n'importe quel moment au cours des trois prochains mois.

Pour autant, un nouvel abaissement reste possible à moins que l'agence n'observe une "mise en oeuvre parfaite" du programme de réduction du déficit budgétaire de la Grèce pensé par Athènes, qui espère ainsi ramener le déficit à moins de 3% en 2012, a indiqué Sarah Carlson.

"La note A3 reflète le fait que nous pensons que l'environnement a rendu beaucoup plus difficile pour le gouvernement l'atteinte de ses objectifs", a-t-elle dit à Reuters.

UN ABAISSEMENT INSUFFISANT

Les analystes estiment que cet abaissement à A3, soit seulement quatre rangs de plus que le statut réservé aux investissements spéculatifs, n'est sans doute pas suffisant pour rendre compte de l'ampleur de la dégradation des fondamentaux du pays.

"La seule surprise est que cela n'ait pas été un abaissement de plusieurs crans", juge Win Thin, stratège chez Brown Brothers Harriman & Co. "Je ne suis pas sûr de ce que Moody's regarde mais il est impossible que la Grèce puisse être notée avec une note commençant par A."

Les agences concurrentes de Moody's ont en l'occurrence des notes beaucoup moins élevées, celle de Standard& Poor's étant ainsi tombée à "BBB+" en décembre, et celle de Fitch à "BBB-" au début du mois. et

Les investisseurs restent inquiets de la capacité de la Grèce à refinancer sa dette et attendent non sans réserves le refinancement de 8,5 milliards d'obligations arrivant à échéance le mois prochain.

Les craintes subsistent malgré le début des discussions mercredi entre les autorités grecques et des représentants européens et du Fonds monétaire international (FMI) sur une possible aide financière de 40 à 45 milliards d'euros.

Moody's estime néanmoins que le gouvernement semble en bonne voie, voire en avance, sur son projet de réduction des déficits, mais l'agence a souligné que la "mobilisation difficile d'une aide extérieure" avait rendu plus compliqué pour la Grèce de maintenir son niveau d'endettement au niveau d'une notation "A".

"Moody's estime désormais que la stabilisation de la dette selon toute vraisemblance, finira par arriver, mais que cela pourrait se réaliser à un prix plus élevé et à un niveau plus compatible avec une note 'BAA'", a indiqué l'agence.

Ingrid Melander, Alexandre Boksenbaum-Granier pour le service français, édité par Gwénaëlle Barzic