Merci de participer à nos réunions, qui ont repris mais se déroulent pour l'instant en ligne. Il est dans notre intérêt de vous parler du travail que nous poursuivons avec nos partenaires étrangers.

A l'initiative de la Fédération de Russie, une visioconférence très substantielle vient de se dérouler entre les ministres des Affaires étrangères des Brics. Nous présidons l'organisation cette année. Alors que de nombreuses activités doivent être reportées à cause de la propagation du coronavirus, nous avons décidé d'organiser une réunion extraordinaire des Brics pour voir quelle contribution nos cinq pays pouvaient apporter aux efforts internationaux face à cette menace. Cette visioconférence ne remplace pas la réunion principale du Conseil des ministres des Affaires étrangères des Brics prévue pour juin en plein format. Nous maintenons pour l'instant cette date, mais si besoin, évidemment, si la situation épidémiologique le nécessitait, nous la modifierons.

Comme je l'ai dit, nous avons parlé aujourd'hui des objectifs de nos pays dans la lutte contre le coronavirus. Nos partenaires ont reconnu que l'initiative de la Fédération de Russie était opportune. La discussion a été utile. Bien sûr, nous avons parlé avant tout de la nécessité de renforcer l'efficacité des efforts de nos pays pour surmonter la menace du coronavirus.

Nous avons parlé des mécanismes de perfectionnement de l'échange d'expériences et d'informations, de l'entraide, et du recours aux mécanismes multilatéraux.

En plus des tâches concrètes visant à lutter contre cette infection, nous avons analysé l'impact de la crise actuelle sur le système des relations internationales. Nous avons constaté l'absence d'alternative à la recherche de solutions collectives à tous les défis que cette situation a posés, l'absence d'alternative à une approche multilatérale et équitable sans politisation, à la coopération des États souverains pour le règlement de tous les problèmes d'actualité. Ces efforts (cela a été évoqué en détail pendant notre réunion) sont freinés par les restrictions unilatérales illégitimes, les 'sanctions' décrétées en contournant la Charte de l'Onu, le Conseil de sécurité des Nations unies, à l'encontre du droit international. Dans la situation actuelle, ces restrictions unilatérales qui, je le souligne de nouveau, transgressent le droit international, empêchent la lutte contre la pandémie de coronavirus, portent sérieusement atteinte au développement socioéconomique des États visés.

Nous soutenons l'appel du Secrétaire général de l'Onu Antonio Guterres et de la Haute-Commissaire de l'Onu aux droits de l'homme Michelle Bachelet à ce que les sanctions unilatérales adoptées en contournant l'Onu soient au moins suspendues, et dans l'idéal annulées, afin que nous puissions réagir plus efficacement aux exigences de l'époque.

Nous avons également parlé des démarches supplémentaires des Brics visant à approfondir notre partenariat au sein des structures internationales, notamment à l'Onu, au G20, au sein de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), au Fonds monétaire international, à la Banque mondiale, et au niveau d'autres structures.

Notre position commune est que le partenariat entre les pays des Brics au sein de ces mécanismes doit contribuer à augmenter le rôle et la responsabilité des institutions de gouvernance globale et leur démocratisation. Elles doivent refléter les intérêts de la majorité, et dans l'idéal de tous les pays du monde.

Parmi d'autres activités évoquées aujourd'hui, nous avons parlé de l'activité de la Nouvelle banque de développement des Brics. Dans le cadre de la banque a été prise la décision fondamentale de créer un instrument de crédit spécial pour financer les projets de rétablissement économique dans les pays des Brics. Dans l'ensemble, il est prévu d'allouer jusqu'à 15 milliards de dollars à ces objectifs. Nous pensons que cela constituera une très bonne contribution à la sortie de nos économies de l'état de crise et à la reprise de l'activité économique à part entière.

La Fédération de Russie a exprimé les idées concrètes que nous avons préparées pour une réaction conjointe à la crise provoquée par la pandémie de coronavirus. C'est un grand paquet de mesures portant non seulement sur le secteur de la santé, mais aussi sur l'économie, les échanges commerciaux, la stabilité financière, le soutien à l'emploi. Prochainement, nous mettrons sur le papier toutes ces idées. Nous nous sommes mis d'accord pour les évoquer en détail pendant les réunions à venir des ministères compétents de nos cinq pays.

Notre vision commune des changements traversés par la communauté internationale est que le risque grandit de voir apparaître de nouvelles lignes de démarcation, des conflits, un écart encore plus grand entre les pays riches et pauvres. Nous voyons grandir la signification des nouvelles technologies notamment dans le domaine de l'information, ce qui renforce l'actualité des fameuses initiatives de la Russie à l'Onu sur la garantie de la sécurité de l'information internationale et la mise au point d'un instrument universel pour combattre la cybercriminalité.

Dans l'ensemble, nous l'avons également souligné aujourd'hui, les institutions multilatérales et les États-nations passent une sorte de mise à l'épreuve de leurs 'aptitudes professionnelles'. Il est primordial, dans tous ces événements, de ne pas suivre la conjoncture électorale du moment, ou autre, en cherchant à politiser tel ou tel problème, mais de voir la tâche de toute notre communauté dans l'union des efforts pour garantir l'issue la plus positive possible à nos efforts actuels pour les Brics et avant tout pour les citoyens.

Question: Les Brics travailleront-ils ensemble à la création d'un vaccin contre le coronavirus? Cela était mentionné dans la déclaration d'Oufa de 2015, mais mènera-t-on un travail réel en ce sens aujourd'hui? L'Inde a-t-elle annoncé le délai de livraison en Russie de l'hydroxychloroquine?

Sergueï Lavrov: La déclaration du sommet d'Oufa de 2015 que vous avez mentionnée fixait pour objectif d'entamer ensemble l'élaboration et l'utilisation de vaccins, notamment contre les coronavirus. Cet objectif, formulé à l'époque sur le plan politique, a été concrétisé en 2018 au sommet des Brics à Johannesburg en 2018. Les documents du sommet de Johannesburg contiennent une entente sur la mise en place d'un mécanisme quinté-latéral approprié.

Aujourd'hui, nous avons analysé cette situation et avons décidé de souligner la nécessité de mettre en œuvre au plus vite cet accord et de créer un tel mécanisme.

En ce qui concerne d'autres questions, notamment la fourniture de vaccins, cela est pris en charge par les ministères compétents: le Ministère de l'Industrie et du Commerce, et le Ministère russe de la Santé. Les experts économiques des Brics se réuniront demain en visioconférence, et le 7 mai 2020 se réuniront les experts des ministères de la Santé, également en visioconférence. Je pense que les aspects concrets de la coopération que vous avez mentionnés seront abordés à ce moment-là. Nous ferons notre possible pour vous tenir au courant.

Question: Les Brics sont-ils prêts à assumer la part des États-Unis à l'OMS après la décision de Washington de suspendre son financement?

Sergueï Lavrov: Nous sommes tous d'avis que l'OMS est un instrument très important. C'est aujourd'hui une plateforme unique où arrivent toutes les informations et les données dont disposent les différents pays. C'est une structure réunissant les meilleurs professionnels de tous les pays sans exception, y compris des États-Unis.

En tant que principal contributeur au budget de l'OMS, les États-Unis possédaient le plus grand quota de spécialistes au Secrétariat de cette organisation. Les cotisations à l'OMS sont réparties entre 'obligatoires' et 'volontaires'. A ce que je sache, Washington a suspendu le versement de la cotisation volontaire, mais les États-Unis maintiennent et continuent de payer la partie obligatoire pour avoir le droit de vote au sein de l'organisation.

En ce qui concerne les compensations. Étant donné que les États-Unis ont suspendu leurs cotisations volontaires, il est difficile de dire qui a l'intention de soutenir l'OMS et comment. Par exemple, la Chine a annoncé une allocation supplémentaire de 30 millions de dollars pour l'OMS. Indépendamment de la décision américaine, nous soutenons traditionnellement l'activité de l'OMS dans différents domaines. Quand l'épidémie d'Ebola s'est déclenchée, un vaccin a été élaboré avec la contribution et un rôle décisif de la Russie, des institutions spéciales ont été mises en place dans les pays africains les plus touchés par cette fièvre. Nous continuerons de soutenir l'OMS indépendamment de la manière dont certains pays essaieront d'exprimer leur attitude envers son activité.

Question: A-t-on fixé la date du sommet en ligne des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et la déclaration finale des chefs d'État?

Sergueï Lavrov: Il est prévu de consacrer la visioconférence des dirigeants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies au coronavirus. La date concrète n'a pas encore été fixée. Nous étions prêts à organiser cette activité cette semaine. Si je comprends bien, certains pays ont besoin d'étudier davantage la situation.

Question: Récemment, le vice-Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov a rappelé dans une interview qu'encore en 2015, au sommet d'Oufa, la déclaration finale indiquait que nous devions prêter attention à la coopération dans la lutte contre les nouveaux coronavirus. Qu'est-ce qui avait poussé la Russie à soulever ce thème il y a cinq ans? Que pouvons-nous faire aujourd'hui?

Que pensez-vous de la coopération entre la Chine et la Russie dans la lutte contre le coronavirus?

Sergueï Lavrov: Vous pensez que la Russie avait prédit l'épidémie actuelle avant Bill Gates?

Sérieusement, en 2015 déjà, l'humanité était confrontée à des menaces pandémiques, notamment liées aux coronavirus. Cela concerne le MERS, ce qu'on appelle le syndrome respiratoire du Moyen-Orient, et le SRAS, le syndrome respiratoire aigu sévère. Rien d'étonnant, donc, à ce que nos chercheurs et spécialistes aient prévu que les coronavirus pourraient refaire leur apparition.

Comme je l'ai dit, nous avons réaffirmé aujourd'hui notre volonté de créer au plus vite, conformément aux décisions des sommets d'Oufa et de Johannesburg, un mécanisme d'élaboration et d'utilisation d'un vaccin contre les coronavirus.

En ce qui concerne notre évaluation de la coopération entre la Russie et la Chine pour combattre le coronavirus, elle est très élevée. Dès les premiers jours de ces événements nous avons apporté une aide à la province de Wuhan en Chine, et j'espère que nous avons contribué au fait que la Chine a réussi à maîtriser assez rapidement cette menace. A l'heure actuelle, Pékin apporte son aide notamment à notre pays pour renforcer nos propres efforts visant à empêcher la propagation de cette infection.

Comme l'ont souligné à plusieurs reprises à l'issue de leurs contacts nos dirigeants, le Président russe Vladimir Poutine et le Président chinois Xi Jinping, nous poursuivrons la coopération, le partenariat stratégique dans tous les domaines, en accordant une attention particulière aux objectifs actuels de faire face à cette menace mondiale.

Question: Pratiquement dans chaque réponse, vous avez mentionné des actions conjointes - la coopération dans le cadre des Brics, la coopération bilatérale entre la Russie et la Chine - dans la lutte contre le coronavirus. C'est une partie, un avis. Un autre avis est contenu dans le rapport de la diplomatie européenne. Il stipule que la Chine et la Russie sont responsables de la propagation de la désinformation sur le coronavirus. Comment un tel contraste est-il possible? Que pouvez-vous dire?

Sergueï Lavrov: Quand nous parlons de la coopération avec la Chine, nous apportons des faits. Ils sont nombreux. Nous ne les cachons pas. Il existe des formes concrètes d'aide: l'acheminement de cargaisons humanitaires, de médicaments, de systèmes de test, l'envoi de spécialistes médicaux, les consultations réciproques, etc.

En ce qui concerne les déclarations du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) vis-à-vis de la désinformation qui serait répandue par nos pays concernant tout ce qui se passe avec le coronavirus, il ne serait même pas très correct de le commenter parce qu'il n'y a pas le moindre fait confirmant ces allégations.

En fait, nous ne demandons pas de nous apporter ces faits. Nous sommes déjà habitués au fait que nos collègues occidentaux cherchent de plus en plus à trouver des motifs qui les unissent dans des divagations concernant la menace russe ou autre. Nous n'avons toujours pas reçu la moindre preuve suite aux accusations d'ingérence dans les élections américaines et dans le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni, dans le référendum en Catalogne, sans parler de la fameuse 'affaire Skripal' ou de l'enquête sur le crash du Boeing malaisien (vol MH17). A présent nous sommes accusés de vouloir empoisonner quelqu'un en République tchèque avec une substance transportée dans une valise, on entend que les autorités compétentes tchèques le savent, mais personne ne montre cette valise.

Je le prends de manière philosophique désormais. Si l'UE a besoin de telles insinuations pour dissimuler ses problèmes intérieurs, que pouvons-nous faire? On comprend qu'il n'y a rien de concret derrière cela en regardant simplement les faits régulièrement publiés sur l'activité et les actions des différents pays par rapport à la réaction au coronavirus.

Question: En ce qui concerne les dernières déclarations du maréchal de l'Armée nationale libyenne Khalifa Haftar: la Russie possède-t-elle des leviers de pression sur lui? Est-il possible, dans la situation actuelle, d'élaborer des mesures collectives pour imposer la paix et revenir aux négociations sur la paix en Libye? D'après vous, dans quelle mesure de telles déclarations sont-elles dangereuses pour le processus de paix libyen?

Sergueï Lavrov: Je ne parlerais pas de 'leviers de pression à disposition de la Russie'. Nous sommes en contact avec tous les acteurs du conflit libyen sans exception: le maréchal de l'Armée nationale libyenne Khalifa Haftar, le Président du Conseil présidentiel Fayez el-Sarraj, le Président de la Chambre des députés Aguila Salah Issa et d'autres acteurs, notamment la direction du Haut conseil d'État. Plusieurs structures ont été créées conformément à l'accord de Skhirat de décembre 2015.

A toutes les étapes du règlement de la crise libyenne, dans toutes nos initiatives avancées à différentes périodes par nos collègues français, les Italiens, les Émirats arabes unis (la Conférence internationale sur la Libye à Berlin a été convoquée), nous avons prévenu de la nécessité de persuader avant tout les belligérants de s'entendre eux-mêmes sur les conditions pour régler les problèmes de leur pays, dont la structure étatique a été détruite, je le rappelle, en 2011, par une agression absolument illégale de l'Otan. Nous avons toujours mis en garde contre les tentatives d'imposer aux parties libyennes des documents et des accords écrits sans leur participation directe, car l'inconsistance de cette approche a été prouvée plusieurs fois.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à la répétition de ce qui s'est passé avec les résultats de la Conférence de Berlin. Quand le document final a été soumis aux participants, le Président russe Vladimir Poutine a spécialement demandé si ce document était soutenu par les belligérants, avant tout Khalifa Haftar et Fayez el-Sarraj. Il nous a été dit que cette question serait réglée plus tard. Nous avons averti qu'en l'absence d'un accord clairement exprimé par les parties libyennes il y avait peu de chances que ces accords convenus par les acteurs extérieurs soient viables. Malheureusement, tout s'est confirmé. Mais cela ne signifie pas que les belligérants doivent aujourd'hui faire des déclarations agressives, annoncer des décisions unilatérales et renoncer au dialogue interlibyen.

Nous n'avons pas approuvé les récentes déclarations de Fayez el-Sarraj qui refusait de parler à Khalifa Haftar. Nous n'approuvons pas les déclarations affirmant qu'à présent Khalifa Haftar déciderait seul comment devrait vivre le peuple libyen. Ni l'un ni l'autre n'aident à trouver un compromis durable - sans lequel il est impossible de sortir de cette situation.

Par contraste, je voudrais noter une autre déclaration faite récemment mais, pour une raison qu'on ignore, n'a pas attiré l'attention des médias. Le Président de la Chambre des députés de la Libye Aguila Salah Issa a appelé au dialogue national, s'est prononcé pour que ce dialogue s'oriente sur la formation d'organes publics communs où serait garantie une représentation équitable et égale des trois principales régions de la Libye. C'est exactement ce que nous disions toutes ces années: les Libyens eux-mêmes doivent trouver des approches acceptables pour tous, d'abord pour établir le dialogue, puis pour construire leur nouvel État. Les acteurs extérieurs doivent soutenir ces approches. J'espère que les leçons tirées des tentatives antérieures seront utiles et que nous avancerons tout de même dans l'encouragement des Libyens eux-mêmes à la discussion et à la recherche d'un compromis.

A cet égard, je ne peux pas ne pas mentionner que le poste du représentant spécial du Secrétaire général de l'Onu pour la Libye reste vacant depuis plus d'un mois. Ghassan Salamé a fourni beaucoup d'efforts pour remplir son mandat mais, malheureusement, ces efforts ont échoué et il a démissionné. Je pense que le Secrétaire général de l'Onu Antonio Guterres a absolument besoin de nommer à court terme un nouveau représentant spécial. Selon la conviction générale, il doit s'agir d'un représentant de la région africaine. De tels candidats existent, nous les connaissons bien. Ce sont des gens expérimentés ayant de l'autorité. Nous appelons le Secrétaire général de l'Onu à occuper au plus vite ce poste vacant et à nommer un nouveau représentant spécial pour que le processus ne ralentisse pas.

La Sté Ministry of Foreign Affairs of the Russian Federation a publié ce contenu, le 28 avril 2020, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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