par Julien Toyer

Détendu et s'exprimant parfois en anglais, l'ancien ministre des Affaires étrangères et de l'Agriculture a détaillé trois heures durant quelles seraient ses priorités à ce portefeuille, plaidant à la fois pour une régulation financière plus efficace et pertinente et pour un nouvel élan du marché intérieur.

"Aucun marché, aucun acteur, aucun produit, aucun territoire ne doit désormais échapper à une régulation pertinente et à une surveillance efficace", a-t-il répété à plusieurs reprises, suscitant les applaudissements de membres des commissions du Marché intérieur et des Affaires économiques et monétaires.

"Il faut tourner la page d'une ère d'irresponsabilité. Remettre la transparence, la responsabilité, la morale au coeur du système financier", a-t-il dit, n'hésitant pas à citer Adam Smith, le père du libéralisme.

Tout en rappelant que sa feuille de route serait celle décidée lors de la réunion du G20 de Pittsburgh en septembre dernier, Michel Barnier a tenu à rassurer les milieux financiers anglo-saxons qui avaient frémi en décembre à l'annonce de sa nomination par José Manuel Barroso.

Une polémique avait même éclaté entre la France et la Grande-Bretagne après que Nicolas Sarkozy eut déclaré qu'il s'agissait de la victoire d'une approche "continentale" en matière de régulation.

"Notre économie a durablement besoin des marchés (...) Nous rendrons notre industrie financière plus compétitive avec de bonnes règles", a-t-il dit avant d'insister sur le fait qu'il ne "prendrait aucun ordre ni à Londres, ni à Paris, ni ailleurs".

BREVET EUROPÉEN

Comme fin décembre, dans ses réponses au questionnaire préparatoire à son audition, Michel Barnier a dressé la liste des textes auxquels il s'attellera au cours des prochains mois: révision des règles en matière de fonds propres des banques (directive CRD 4), mesures d'application de la directive "Solvabilité II", révision de la directive MiFID ou mise en place d'un cadre pour l'échange des produits dérivés de gré à gré ("OTC").

Il a insisté sur sa volonté de s'attaquer aux questions liées aux sanctions et aux ventes à découvert, de trouver le bon équilibre sur les "hedge funds" et de prendre des initiatives sur la création de chambres de compensation en Europe.

Il est aussi revenu sur la nécessité de mettre en place en Europe un nouveau cadre permettant, à l'avenir, de prévoir, prévenir et gérer les crises.

En revanche, il est resté plus évasif sur l'éventuelle présentation d'un rapport sur la mise en oeuvre de la recommandation sur la rémunération dans les services financiers ainsi que d'autres initiatives destinées à éliminer des pratiques de rémunération abusives, annoncées en décembre.

Michel Barnier, qui a déjà été commissaire européen de 1999 à 2004 a enfin proposé qu'une nouvelle impulsion soit donnée au marché intérieur européen, qui a été mis à mal par la crise économique et financière.

Citant notamment le renforcement des aspects liés à la consommation, à l'installation et au travail des citoyens dans un pays tiers ainsi qu'à la possibilité offerte aux entreprises de l'UE de profiter à plein d'un marché de 495 millions de consommateurs, il a aussi qu'une réforme des règles en matière de droits d'auteur était nécessaire et qu'il s'emploierait rapidement à faire aboutir un brevet européen.

A l'issue de l'audition, de nombreux eurodéputés de tous les groupes politiques ont salué sa "vision" et son "engagement".