(Actualisé avec Larayedh)

par Tarek Amara

TUNIS, 22 février (Reuters) - Le président tunisien, Moncef Marzouki, a chargé vendredi le ministre de l'Intérieur sortant, Ali Larayedh, membre de l'aile dure du parti islamiste Ennahda, de former dans les deux semaines à venir le prochain gouvernement.

Le président d'Ennahda, Rached Ghannouchi, avait officiellement désigné un peu plus tôt Ali Larayedh, 57 ans, comme successeur d'Hamadi Jebali, qui a démissionné mardi.

Ennahda, première force parlementaire, compte 89 députés à l'Assemblée nationale constituante sur un total de 217 sièges.

"Le président de la République m'a officiellement demandé de former un nouveau gouvernement", a déclaré Ali Larayedh après son entretien avec le chef de l'Etat. "Nous allons entamer des consultations pour former un nouveau gouvernement, un gouvernement de tous les Tunisiens", a-t-il ajouté.

Le parti de gauche laïque de Moncef Marzouki, le Congrès pour la république (CPR), deuxième groupe à l'Assemblée avec 29 sièges, a dit son souhait de rejoindre une coalition dirigée par Ennahda, comme c'était le cas dans le gouvernement Jebali.

Le choix d'Ali Larayedh est en revanche critiqué par le reste de l'opposition laïque, qui lui reproche de ne pas avoir mis fin aux violences des mouvements salafistes, même s'il a agi avec fermeté contre les militants liés à Al Qaïda.

"Ce choix aggrave la crise car Larayedh a dirigé le ministère responsable du meurtre de (l'opposant Chokri) Belaïd et de la violence qui s'est étendue dans le pays", accuse Zied Lakhdar, un des dirigeants du Front populaire, dont Chokri Belaïd, tué le 6 février, était secrétaire-général.

Mahmoud Baroudi, dirigeant de l'Alliance démocratique, estime de son côté que la nomination de Larayedh va provoquer une nouvelle vague de contestation populaire. "Il est responsable de l'indulgence envers la violence islamiste contre les militants des droits de l'homme", affirme-t-il.

LIGNE DURE

Le choix d'Ali Larayedh répond à la décision d'Hamadi Jebali, par ailleurs secrétaire général (numéro deux) d'Ennahda, de renoncer à diriger le prochain gouvernement après sa démission, présentée mardi, qui a elle-même fait suite à l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd.

Hamadi Jebali souhaitait former un "gouvernement de compétences nationales", apolitique, composé d'experts, mais sa volonté s'est heurtée au refus de sa propre formation.

Ali Larayedh est considéré comme un membre de la ligne dure d'Ennahda, qui refuse tout rôle politique aux formations liées au régime déchu de Zine ben Ali, première victime en janvier 2011 du "printemps arabe".

"Larayedh n'est pas un homme de consensus", souligne Nejib Chebbi, dirigeant laïque du Parti républicain.

Ingénieur naval de formation, Ali Larayedh a passé quinze ans dans les prisons de Zine ben Ali, l'ancien chef de l'Etat aujourd'hui réfugié en Arabie saoudite. Il est devenu ministre de l'Intérieur en décembre 2011 dans le gouvernement formé par Jebali dans la foulée des élections d'octobre.

Du fait du climat d'incertitude politique en Tunisie, les négociations sur le versement d'un prêt de 1,78 milliard de dollars du Fonds monétaire international (FMI) sont en suspens. La situation a conduit en outre l'agence Standard and Poor's à abaisser, mardi, la note souveraine de la Tunisie. (Jean-Loup Fiévet, Eric Faye, Tangi Salaün et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Gilles Trequesser)