En s'attachant ainsi à donner aux investisseurs le plus d'indications possibles sur l'évolution prévisible de sa politique monétaire de la zone euro, la BCE emboîte le pas à la Réserve fédérale américaine et à la Banque d'Angleterre, qui cherchent notamment à apaiser les tensions sur les taux de marché.

Comme attendu, la BCE a maintenu ses taux directeurs, avec un taux de refinancement à 0,5%, un taux de facilité de dépôt à 0,0% et un taux de prêt marginal à 1,0%.

"Le Conseil des gouverneurs s'attend à ce que les taux de la BCE restent à leur niveau actuel ou plus bas pendant une période de temps prolongée", a dit Mario Draghi, soulignant que c'était la première fois que l'institution monétaire s'attachait à une telle précision.

Mario Draghi a ajouté que le Conseil des gouverneurs avait évoqué l'hypothèse d'une baisse des taux, "Cinquante points de base, ce n'est pas une limite basse", a-t-il prévenu, mais cette solution n'a pas été retenue.

La BCE se tient prête à réduire encore le taux de dépôt, donc à le faire passer en territoire négatif, afin de favoriser le crédit, a-t-il encore indiqué.

Les propos de Mario Draghi tranchent avec le discours tenu le mois dernier, lorsqu'il avait balayé les espoirs de mesures immédiates, mais également avec la pratique historique de la BCE, qui a toujours refusé de s'engager à l'avance sur l'évolution de ses taux.

"Il ne s'agit pas de six mois, il ne s'agit pas de 12 mois, il s'agit d'une période de temps prolongée", a martelé le président de l'institution.

UNE CLARTÉ INHABITUELLE

Cette clarté inhabituelle a séduit les investisseurs comme en témoigne la forte progression des Bourses européennes dans le sillage de l'intervention du président de la BCE et la très nette détente des rendements des obligations espagnoles, portugaises et italiennes.

A 16h00, le CAC 40 s'envolait de 2,76% aux alentours de 3.804 points, tandis que le Dax prenait 2,28% et que l'indice Eurostoxx 50 s'adjugeait 2,95%.

Sur le marché secondaire, le rendement des obligations italiennes à dix ans reculait autour de 4,42% tandis, que les titres espagnols à même échéance revenait autour de 4,64%, contre 7,34% pour les portugais, un niveau élevé mais bien inférieur à celui de la veille.

Avant la conférence de presse de la BCE, le nouveau gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, avait indiqué que les anticipations des marchés sur les perspectives économiques ne pouvaient en aucun cas préjuger de l'évolution des taux, prévenant ainsi implicitement les investisseurs qu'ils auraient tort de parier sur une remontée rapide du loyer de l'argent au Royaume-Uni.

PÉNURIE D'OUTILS

Pour Mario Draghi, cette similitude dans l'inflexion du discours relève toutefois de la coïncidence.

Le choix de la BCE de surprendre par le discours plutôt que par les actes témoigne par ailleurs d'une pénurie de nouveaux outils à sa disposition alors que la zone euro n'est pas sortie de la zone de turbulences.

La réunion de jeudi s'est déroulée alors que le Portugal est plongé dans une nouvelle crise politique, qui a ravivé les craintes des investisseurs et s'est traduit mercredi par une remontée du rendement de sa dette à dix ans au-delà de 8%.

A ces tensions s'ajoutent les nouvelles difficultés de l'assainissement budgétaire en Grèce et des inquiétudes persistantes sur la solidité de la coalition au pouvoir en Italie, près d'un an après la promesse de Mario Draghi de faire tout ce qui serait possible pour préserver l'euro.

Les multiples conditions posées pour la mise en oeuvre des opérations monétaires sur titre (OMT), le mécanisme d'achats de dette par la BCE dont l'annonce avait suivi cette promesse, empêche en fin de compte les pays les plus fragiles de la zone euro d'y avoir recours et pose la question de ce que la BCE est réellement en mesure de faire.

Nicolas Delame pour le service français, édité par Marc Angrand

par Paul Carrel et Sakari Suoninen