Macron a déclaré que les nouvelles centrales seraient construites et exploitées par l'énergéticien EDF, contrôlé par l'État, et que des dizaines de milliards d'euros de fonds publics seraient mobilisés pour financer les projets et préserver les finances d'EDF.

"Ce dont notre pays a besoin, et les conditions sont réunies, c'est de la renaissance de l'industrie nucléaire française", a déclaré M. Macron en dévoilant sa nouvelle stratégie nucléaire dans la ville industrielle de Belfort, dans l'est du pays.

Promettant d'accélérer le développement de l'énergie solaire et de l'éolien en mer, Macron a également déclaré qu'il souhaitait prolonger la durée de vie des anciennes centrales nucléaires du pays le plus nucléarisé du monde à plus de 50 ans, contre plus de 40 ans actuellement pour certains réacteurs, à condition que cela soit sûr.

L'annonce intervient à un moment difficile pour EDF, criblée de dettes, qui est confrontée à des retards et à des dépassements de budget pour les nouvelles centrales nucléaires en France et en Grande-Bretagne, ainsi qu'à des problèmes de corrosion dans certains de ses réacteurs vieillissants.

Le plan nucléaire cimente l'engagement de la France envers l'énergie nucléaire, un pilier de la prouesse industrielle d'après-guerre du pays mais dont l'avenir était incertain après que Macron et son prédécesseur aient promis de réduire son poids dans le panorama énergétique du pays.

La pensée de M. Macron a été remodelée par les objectifs ambitieux de l'Union européenne en matière de neutralité carbone d'ici trois décennies, qui mettent l'accent sur les formes d'énergie qui émettent moins, voire pas du tout, de gaz à effet de serre que les combustibles fossiles, y compris le nucléaire.

La flambée des prix de l'énergie et les inquiétudes concernant la dépendance de l'Europe vis-à-vis du gaz russe importé ont également persuadé les responsables français de la nécessité d'une plus grande indépendance énergétique de la région.

EDF estime le coût des six nouveaux réacteurs à environ 50 milliards d'euros (57,36 milliards de dollars), en fonction des conditions de financement.

Le premier nouveau réacteur, une évolution du réacteur pressurisé européen (EPR), serait mis en service d'ici 2035, a déclaré M. Macron. Des études pour huit autres réacteurs au-delà de la demi-douzaine initiale de nouvelles centrales seraient lancées, a-t-il ajouté.

La France va également décupler sa capacité d'énergie solaire d'ici 2050 pour atteindre plus de 100 gigawatts (GW) et viser la construction de 50 parcs éoliens offshore d'une capacité combinée d'au moins 40 GW.

VIRAGE ÉNERGÉTIQUE

La décision de M. Macron de prolonger la durée de vie des centrales existantes marque un revirement par rapport à une promesse antérieure de fermer plus d'une douzaine des 56 réacteurs d'EDF d'ici 2035.

La sécurité nucléaire divise toujours l'Europe après la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011.

"Certains pays ont fait le choix extrême de tourner le dos à l'énergie nucléaire. La France n'a pas fait ce choix", a déclaré M. Macron.

Le groupe de campagne pour l'énergie verte Association négaWatt a accusé Macron d'"approfondir la dépendance de la France" au nucléaire.

La France a exercé un fort lobbying pour que le nucléaire soit étiqueté comme durable dans le cadre des nouvelles règles de la Commission européenne sur le financement vert.

Si les nouvelles règles de taxonomie de l'UE sont approuvées, cela devrait réduire le coût du financement des projets d'énergie nucléaire.

M. Macron a déclaré que l'État assumerait ses responsabilités en sécurisant les finances d'EDF, indiquant que le gouvernement pourrait injecter des capitaux frais dans l'entreprise détenue à 84 % par l'État.

L'Etat prendra ses responsabilités pour sécuriser les finances d'EDF et sa capacité de financement à court et moyen terme", a déclaré M. Macron.

Les réacteurs EPR d'EDF ont connu une histoire mouvementée. Les projets EPR de Flamanville en France et de Hinkley Point en Grande-Bretagne ont pris des années de retard et des milliards de dollars de plus que prévu, tandis que les réacteurs EPR en Chine et en Finlande ont été touchés par des problèmes techniques.

Séparément, EDF a revu à la baisse cette semaine ses prévisions de production pour son parc nucléaire à 295-315 TWh contre 361 TWh l'année dernière, en partie à cause des arrêts prolongés de réacteurs dus à des problèmes de corrosion dans plusieurs réacteurs. Si le niveau tombe sous les 300 TWh, il serait à son plus bas niveau depuis 1990.

Pour aggraver les difficultés d'EDF, M. Macron, qui doit se représenter aux élections dans deux mois et qui s'efforce d'apaiser la colère du public face à la hausse des factures d'énergie, a ordonné à l'entreprise de vendre davantage d'électricité bon marché à ses rivaux - une décision qui réduira d'environ 8 milliards d'euros les bénéfices de base d'EDF pour 2022.

Le cours de l'action d'EDF est en baisse de 18 % jusqu'à présent en 2022.

EDF a confirmé jeudi qu'elle achèterait à General Electric une unité de turbine nucléaire basée en France, alors que l'entreprise cherche à regrouper les activités nucléaires jugées stratégiques.

(1 $ = 0,8717 euros)