par John Irish et Luiza Ilie

BUCAREST, 3 février (Reuters) - La proposition de la France d'envoyer des militaires en Roumanie dans le cadre de l'Otan ne constitue pas une provocation à l'égard de la Russie, a déclaré jeudi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à quelques heures d'un nouvel entretien téléphonique entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine au sujet de l'Ukraine.

La France a proposé d'être "nation cadre" d'une présence avancée et adaptée de l'Otan en Roumanie, ce qui se traduirait par l'envoi de troupes supplémentaires dans ce pays, alors même que le président français s'efforce d'apaiser les tensions entre la Russie et les Occidentaux et s'entretiendra jeudi en fin d'après-midi avec son homologue russe pour la troisième fois en moins d'une semaine.

"Je ne crois pas qu'on puisse dire que ce soit une provocation", a déclaré le chef de la diplomatie française lors d'une conférence de presse à Bucarest, aux côtés de son homologue roumain.

"Je ne vois pas en quoi cela pourrait perturber les discussions (...) avec le président Poutine. Le sujet de fond, là à l'heure actuelle, c'est la désescalade. Tout doit être fait pour que l'on puisse aboutir le plus vite possible à une désescalade", a-t-il ajouté.

"C'est vrai que la situation est grave et que la Russie dispose des forces déployées nécessaires pour engager une initiative agressive si elle le souhaite mais elle ne l'a pas décidé, donc utilisons toutes les démarches possibles, toutes les initiatives possibles pour engager la désescalade et pour que le président Poutine choisisse la négociation plutôt que la confrontation."

RÉUNION DE L'OTAN MI-FÉVRIER

La Russie est soupçonnée par les Occidentaux d'avoir massé des dizaines de milliers de soldats aux abords de l'Ukraine à l'appui de ses exigences, formulées en décembre, d'un arrêt de l'expansion de l'Otan vers l'Est.

L'Alliance atlantique a néanmoins décidé d'établir une présence avancée en Estonie, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne et de développer une présence avancée adaptée dans la région de la mer Noire. L'Alliance atlantique compte déjà environ 4.000 soldats dans le cadre d'une force terrestre en Roumanie, qui a adhéré à l'organisation en 2004.

L'objectif serait de créer en Roumanie une mission identique à celles déployées dans les pays baltes, avec des moyens terrestres, maritimes et aériens coordonnés par une "nation cadre", disent les responsables français.

Les contours précis d'une telle mission seront discutés lors d'une réunion des ministres de la Défense de l'Alliance mi-février. Si une décision politique est susceptible d'être prise à cette occasion, un déploiement effectif pourrait prendre du temps, selon des diplomates.

Parallèlement, les Etats-Unis, qui disposent de bases distinctes de celles de l'Otan en Roumanie, ont annoncé mercredi l'envoi de renforts militaires américains en Europe de l'Est, notamment dans ce pays.

Jean-Yves Le Drian a jugé jeudi qu'"il n'y aura(it) absolument pas de difficultés à établir une bonne complémentarité" entre les forces américaines et la mission avancée de l'Otan en Roumanie.

Pour son homologue roumain Bogdan Aurescu, "il faut dire très clairement que si l'on compare la présence alliée sur son flanc Est aux troupes que la Russie a massées, c'est bien plus petit donc il est hors de propos d'évoquer une tentative d'escalade des tensions". (Reportage John Irish, version française Bertrand Boucey, édité par Matthieu Protard)