BUDAPEST, 21 janvier (Reuters) - Les dirigeants de la communauté juive hongroise pourraient se tenir à l'écart de la commémoration, au printemps, de la déportation de centaines de milliers de juifs vers les camps nazis, pour protester contre une résurgence de l'antisémitisme dans le pays.

Le gouvernement du Premier ministre conservateur Viktor Orban prévoit de marquer par l'inauguration d'un nouveau mémorial de l'Holocauste le 70e anniversaire des événements de juin 1944, lorsque 437.000 juifs de Hongrie furent déportés en quelques semaines vers l'Ukraine alors occupée par l'Allemagne. Au total, un demi-million de juifs hongrois ont péri avant la libération du ghetto de Budapest en 1945.

Mais les dirigeants de la communauté juive déplorent la persistance de l'antisémitisme dans le pays d'Europe centrale qui abrite la plus large communauté juive autochtone d'Europe, et ils regrettent que la Hongrie n'ait pas réussi pleinement selon eux à affronter son passé en temps de guerre.

En novembre dernier, le parti d'extrême droite Jobbik, troisième formation parlementaire du pays, a inauguré une statue du dirigeant Miklos Horthy, dont le régime s'allia à l'Allemagne hitlérienne et participa à la déportation des juifs.

"Nous avons fait part de nos préoccupations au Premier ministre parce si cette année la commémoration de l'Holocauste n'est pas un succès, ce sera l'échec de toute la Hongrie", a déclaré le président de l'Association des congrégations juives de Hongrie (Mazsihisz), Andras Heiszler.

"Il y a une limite. Si les choses ne reviennent pas à la normale, nous envisagerons de nous retirer des commémorations", a-t-il ajouté.

Alors que des élections législatives sont prévues en avril, le gouvernement dit vouloir la réconciliation et assure mener une politique de "tolérance zéro" à l'égard de l'antisémitisme.

Mazsihisz déplore aussi que le futur mémorial de l'Holocauste, en cours de construction près d'une gare de Budapest qui a servi de point de départ pour les déportations, ne mentionne apparemment pas le rôle joué par les Hongrois.

Dans un communiqué, le porte-parole du gouvernement, Andras Giro-Szasz, a déclaré que l'objectif des commémorations serait de rendre hommage à toutes les victimes des événements survenus après l'occupation nazie le 19 mars 1944, qui "méritent l'empathie et une commémoration honorable".

Mais l'historien Krisztian Ungvary écrit sur le site d'informations hvg.hu que la Hongrie a privé les juifs de presque tous leurs droits et tué des dizaines de milliers d'entre eux avant l'occupation allemande.

"Ce ne sont pas les Allemands qui m'ont bloqué dans le ghetto mais les soldats et fascistes hongrois", a déclaré Gusztav Zoltai, un dirigeant de Mazsihisz et un survivant de l'Holocauste. (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)