* Les partisans de Mohamed Morsi se rassemblent pour l'Aïd el Fitr

* Les adversaires des islamistes convergent vers la place Tahrir

* Les autorités n'ont pas encore mis à exécution leur menace d'intervention

* Les négociations ne semblent pas totalement dans l'impasse (Avec détails sur les manifestations en cours)

par Maggie Fick et Yasmine Saleh

LE CAIRE, 8 août (Reuters) - Des dizaines de milliers de partisans de Mohamed Morsi se sont rassemblés jeudi au Caire pour célébrer l'Aïd el Fitr et exiger le rétablissement dans ses fonctions du président islamiste renversé par l'armée.

Les opposants adversaires des islamistes se sont de leur côté massés sur la place Tahrir pour apporter leur soutien à l'armée et aux autorités intérimaires que les militaires ont mis en place après avoir déposé le chef de l'Etat il y a cinq semaines.

La crise politique a atteint un stade critique après l'échec, mercredi, de la médiation internationale visant à trouver une solution négociée et à éviter un nouveau bain de sang.

Le nouveau pouvoir s'est cependant abstenu pour le moment de mettre à exécution sa menace d'un démantèlement par la force des rassemblements organisés par les Frères musulmans, dont est issu Mohamed Morsi.

Le premier des quatre jours de l'Aïd el Fitr s'est déroulé dans une ambiance festive et aucune violence n'avait été signalée à la tombée de la nuit.

Sur la place Tahrir, le cheikh Gomaa Mohamed Ali a dirigé la prière et souhaité que le sang ne coule plus, appelant les manifestants pro-Morsi à rentrer chez eux.

Ces derniers se montrent cependant plus déterminés que jamais. "Par la volonté de Dieu, il va revenir", a clamé la foule lorsque l'épouse de Mohamed Morsi, Naglaa Mahmoud, est montée sur la scène, flanquée de Mohamed el Beltagui, un des dirigeants des Frères musulmans.

"CE N'EST PAS FINI"

"Je suis ici car je veux contribuer à faire une petite différence", a dit Ghada Idriss, une femme de 35 ans venue en voiture de la province rurale de Minya avec son mari, ses deux jeunes fils et sa fille de deux mois, Lougine.

"En m'asseyant pacifiquement ici, ils comprendront et sauront que nous refusons un retour au système d'Hosni (Moubarak)", a-t-elle ajouté.

Beaucoup de manifestants islamistes disent s'attendre à ce que les autorités utilisent la force, mais sans doute pas le premier jour de l'Aïd.

Les médiateurs internationaux conservent de leur côté l'espoir d'une issue pacifique. "Ce n'est pas encore fini", a dit un diplomate en évoquant de possibles mesures destinées à rétablir la confiance entre les deux camps. "Cela pourrait marcher mais nous n'avons aucune garantie. Tout est très fragile."

Pour les diplomates, le règlement de la crise passe par une sortie honorable accordée à Mohamed Morsi, détenu par l'armée, par l'acceptation par les Frères musulmans du nouvel ordre politique mis en place par les militaires, par la libération de tous les prisonniers politiques arrêtés depuis la destitution du président et par un rôle politique laissé aux Frères musulmans à l'avenir.

Des sources au sein du gouvernement et de l'armée disent aussi que les discussions ne sont pas totalement rompues mais gelées le temps de calmer la colère populaire à l'égard de ce qui est perçu comme une ingérence étrangère dans les affaires du pays. Il s'agit aussi de faire accepter ce que certains considèrent comme un revirement des autorités, prêtes à discuter avec les Frères après les avoir diabolisés pendant des mois.

GESTES D'APAISEMENT

Selon une source militaire, les autorités s'abstiennent aussi d'employer la force contre les rassemblements des Frères musulmans de crainte de voir Mohamed ElBaradeï démissionner de son poste de vice-président le cas échéant, ce qui priverait le nouveau pouvoir mis en place par l'armée d'une importante caution libérale.

Le Premier ministre par intérim, Hazem el Beblaoui, s'est rendu en compagnie du ministre de l'Intérieur auprès des Forces de la sécurité centrale, l'un des principaux corps chargés du maintien de l'ordre en Egypte, dans le souci apparent d'apaiser les ardeurs des plus impatients d'en découdre avec les islamistes.

"Il leur a garanti que le gouvernement plaçait la sécurité en tête de ses priorités et qu'il ne saurait y avoir de stabilité dans la société sans une sécurité fondée sur le droit et qui préserve la souveraineté de l'Etat et la vie et les biens de ses citoyens", déclarent les services du chef du gouvernement dans un communiqué.

Dans un apparent geste d'apaisement, le parquet a abandonné mercredi la principale charge retenue contre le chef de la branche politique des Frères musulmans, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), Saad el Katatni, ce qui pourrait entraîner une libération prochaine.

La confrérie islamiste a pour sa part autorisé une organisation de défense des droits de l'homme et une délégation du parlement européen à se rendre dans son campement de la mosquée Rabaa al Adaouia, où les médias hostiles aux Frères musulmans affirment qu'ils y amassent des armes.

Plusieurs responsables de la confrérie ayant échappé au coup de filet dans les rangs islamistes après la destitution de Mohamed Morsi le 3 juillet se trouvent dans ce campement. Parmi eux figurent le guide du mouvement, Mohamed Badie, d'anciens ministres et des responsables parlementaires.

Les violences en Egypte depuis le renversement de Mohamed Morsi ont fait près de 300 morts, dont au moins 80 manifestants islamistes pour la seule journée du 27 juillet. (Bertrand Boucey et Tantgi Salaün pour le service français)