par Angus McDowall

RYAD, 3 janvier (Reuters) - Sur les quarante-sept condamnés à mort exécutés samedi en Arabie saoudite, quarante-trois étaient des djihadistes sunnites impliqués dans des attentats commis par Al Qaïda il y a une dizaine d'années.

Si la mise à mort de quatre chiites, dont le cheikh Nimr al Nimr, a suscité une vague d'indignation dans le monde chiite, notamment en Iran et en Irak, l'exécution des islamistes sunnites est un signal clair envoyé aux djihadistes.

"C'est un message adressé au monde entier et aux criminels: nous ne céderons rien sur nos principes et sur notre sécurité", a assuré sur Twitter Awadh al Kirni, un dignitaire sunnite proche du gouvernement saoudien.

Si la famille Al Saoud qui règne en Arabie, pays majoritairement sunnite, considère l'influence croissante de l'Iran chiite au Proche-Orient comme un danger pour sa sécurité, elle craint aussi les extrémistes sunnites qui lui reprochent ses liens avec l'Occident et la modernisation -- pourtant toute relative -- du royaume.

L'insurrection d'Al Qaïda, mouvement responsable de plusieurs attentats sanglants en Arabie saoudite, remonte à 2003. Depuis, l'apparition de l'Etat islamique (EI), qui a pris le contrôle de vastes territoires en Irak et en Syrie, est venue compliquer le problème.

Si l'EI ne semble guère attirer les Saoudiens, ses critiques de la corruption au sein du régime saoudien et ses attaques contre l'Occident peuvent cependant trouver un écho dans une partie de la population du royaume.

BATAILLE IDÉOLOGIQUE

En exécutant des idéologues et des hommes de main d'Al Qaïda, Ryad a montré sa détermination à combattre les extrémistes. Et en tuant avec eux quatre chiites, le gouvernement a cherché à montrer aux sunnites conservateurs qu'il restait à leur côté.

Si le régime saoudien doit faire face à une contestation politique de la part des djihadistes, il est aussi engagé avec eux dans une bataille idéologique sur l'interprétation de l'islam salafiste.

Parmi les condamnés exécutés samedi figurait ainsi Faris al Chouwail al Zahrani, présenté comme le principal idéologue d'Al Qaïda, qui était en prison depuis 2004, après des attaques qui ont fait des centaines de morts dans le pays.

Zahrani accusait les Al Saoud d'avoir trahi l'islam et réclamait la destruction de la famille royale et de ses alliés.

Il affirmait, comme les djihadistes, que tout "bon musulman" peut prononcer le "takfir", la déchéance du statut de musulman faisant de la personne visée un "kafir", un "mécréant", alors que pour les wahhabites seul le clergé sunnite peut prendre une telle décision.

"Pour le gouvernement saoudien, ces gens-là (les djihadistes) ne sont que des extrémistes qui excluent à l'aveugle d'autres musulmans, au mépris de la règle, et sèment le désordre et la discorde dans le pays. Ils sont donc en dehors de l'islam sunnite", explique Bernard Haykel, professeur à l'université de Princeton.

La presse officielle saoudienne, dimanche, place d'ailleurs sur le même plan Zahrani et le chiite Nimr - "des fauteurs de troubles qui incitent à la violence et au terrorisme". (Guy Kerivel pour le service français)