par Cyril Altmeyer

Malgré les économies générées par la revente de droits et la conservation des meilleurs matches, même TF1 ne devrait pas récupérer sa mise, y compris si ses recettes publicitaires étaient dopées par un bon parcours des Bleus.

Le groupe France Télévisions est confronté à une équation difficile en retransmettant plus de la moitié des 64 matches parallèlement à Canal+. La chaîne payante a de son côté limité son investissement dans les droits à huit millions d'euros, ce qui lui permet néanmoins d'être présent sur l'événement sportif majeur de l'année.

"Les chaînes reconnaissent qu'elles ne font pas de profit direct vu les coûts de production et les droits", a souligné Vincent Létang, responsable du département publicité au sein de l'institut Screen Digest.

"Si elles le font, c'est qu'elles pensent amortir leurs dépenses sur le long terme. Cela fait partie du business model d'une grande chaîne généraliste de diffuser un tel événement".

Après la revente de matches pour 33 millions d'euros à France Télévisions et Canal+, TF1 a ramené sa facture à 87 millions d'euros pour 27 matches - contre 108 millions en 2006 pour 24 matches - auxquels s'ajouteront "quelques millions d'euros" de coûts de production.

Selon Philippe Nouchi, directeur de l'expertise médias chez Reload (groupe Publicis), le groupe TF1 - avec TF1, Eurosport et LCI - devrait récupérer entre 55 et 65 millions d'euros de recettes publicitaires nettes selon que les Bleus sont éliminés au premier tour ou qu'ils remportent la finale.

DU SIMPLE AU TRIPLE POUR LE SPOT D'APRÈS-FINALE

Les tarifs des écrans publicitaires juste après la finale, potentiellement les plus prisés, passent du simple au triple selon que la France est absente de la rencontre ou qu'elle la remporte - de 100.000 euros à 300.000 euros les 30 secondes.

"Si l'équipe de France est présente tard dans la compétition, l'audience des autres matches augmente aussi", observe Vincent Létang. "L'intérêt du public pour la compétition diminue immédiatement lorsque l'équipe nationale n'y est plus".

De fait, un spot pour France-Mexique au premier tour est facturé 155.000 euros contre 110.000 euros pour une demi-finale qui se jouerait sans l'équipe de France, souligne Philippe Nouchi.

Les Français ont boudé la compétition après l'élimination précoce des Bleus en 2002, transformant le Mondial en "Berezina" pour TF1, déjà pénalisée par le décalage horaire avec le Japon et la Corée.

Cette fois, le groupe n'aura pas à pâtir de décalage horaire avec l'Afrique du Sud, mais d'un marché publicitaire plus fragile qu'en 2006, avec une consommation des ménages flageolante que seule une victoire des Bleus pourrait éventuellement dynamiser.

Philippe Nouchi note que les annonceurs visant des cibles féminines ont avancé leurs campagnes afin d'éviter d'être inaudibles pendant la compétition - confirmant ainsi l'optimisme exprimé pour le mois de mai par Nicolas de Tavernost, président du directoire de M6, resté à l'écart du Mondial.

PAS DE MATCHES CLÉS EN EXCLUSIVITÉ SUR UNE CHAÎNE PAYANTE

France Télévisions, qui diffuse la Coupe du monde pour la première fois depuis 1998, devrait se contenter de six millions d'euros de recettes publicitaires nettes pour ses matches, la plupart diffusés en journée lorsque les écrans restent autorisés, et autant en parrainage, estime Philippe Nouchi.

Le groupe de télévision public a payé 25 millions d'euros à TF1 pour pouvoir codiffuser 34 matches en direct avec Canal+, qui pourrait lui ravir 15 à 20% des téléspectateurs.

TF1 diffuse, elle, en exclusivité les 27 matches en direct qu'elle a conservés, confirmant sa prééminence assurée par une directive européenne de 2004 interdisant à une chaîne payante toute exclusivité sur les matches clés - match d'ouverture demi-finales, finale et rencontres de l'équipe nationale.

Pour Canal+, l'enjeu principal est de se démarquer par son traitement éditorial pour soigner son image, a déclaré à Reuters Cyril Linette, patron des sports de la chaîne.

"Cela peut être un enjeu commercial à terme si la qualité de la couverture de la Coupe du monde génère des abonnements" en vue de la reprise à la fin de l'été d'événements récurrents comme le championnat de France de football, a-t-il expliqué.

Même s'il n'est pas rentable pour les chaînes, le Mondial de football reste de loin la compétition reine pour la publicité.

Selon NPA Conseil, la Coupe du monde de Rugby en France avait rapporté 47,8 millions d'euros de recettes brutes en 2007, avant une remise estimée à 40%, Roland Garros sept millions en 2009 et les Jeux olympiques de Pékin 4,4 millions en 2008.

Edité par Jean-Michel Bélot