* Les foyers fiscaux inégaux devant la taxe, disent les "Sages"

* Un nouveau texte s'appliquera aux revenus 2013

* Ce n'est pas une "guerre fiscale", dit Ayrault

* Une taxe symbolique et controversée

* Les censures des Sages coûteront jusqu'à E500 mlns au budget (Actualisé avec Moscovici § 12)

par Julien Ponthus et Emile Picy

PARIS, 29 décembre (Reuters) - Le Conseil constitutionnel a censuré samedi la taxation à 75% des revenus annuels de plus d'un million d'euros, infligeant un revers au gouvernement, qui avait fait de cette disposition controversée une mesure phare du budget 2013.

Promise par François Hollande, la contribution exceptionnelle de 75% a, selon de nombreux observateurs, largement contribué à sa victoire contre Nicolas Sarkozy mais est aussi jugée responsable de l'exil fiscal de personnalités comme l'acteur Gérard Depardieu.

"En faisant croire aux Français qu'il redresserait la France en surtaxant les plus aisés de nos compatriotes, François Hollande les a bernés", a réagi dans un communiqué Christian Jacob, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale.

"Avec cette décision, il vient de lui être rappelé que la stratégie du bouc-émissaire ne menait jamais à rien", a-t-il poursuivi.

Saisis le 20 décembre par le groupe UMP de l'Assemblée, les "Sages" ont jugé que la taxation à 75% aurait été appliquée de façon inégale.

"Deux foyers fiscaux bénéficiant du même niveau de revenu issu de l'activité professionnelle pouvaient se voir assujettis (...) ou au contraire en être exonérés selon la répartition des revenus entre les contribuables composant ce foyer", expliquent les Sages.

Frappant les personnes physiques et non pas les foyers fiscaux, la taxe se serait appliquée par exemple à un couple dont l'un des conjoints gagne plus d'un million d'euros alors qu'un homme et une femme gagnant chacun 600.000 euros auraient été épargnés.

Même si le Conseil constitutionnel ne s'est pas opposé au principe des 75%, l'opposition a voulu voir dans sa décision, un désaveu politique pour François Hollande.

"Cette idée est tellement excessive, elle relève tellement de l'idéologie que le Conseil a estimé qu'elle n'était pas applicable en l'état", a réagi le député UMP Gilles Carrez au micro de BFM TV.

Le président de l'UMP Jean-François Copé a appelé François Hollande "à tirer les leçons de ses échecs et à changer de politique", mais le chef de l'Etat n'entend pas renoncer et a demandé à Jean-Marc Ayrault de trouver une nouvelle formule.

FRANCOIS HOLLANDE SEREIN

"Cela sera bien voté dans les délais pour que cela s'applique sur les revenus 2013", a indiqué le Premier ministre dans un entretien télévisé, précisant que cette disposition passerait devant le Parlement avant la fin de l'année.

"Nous prendrons en compte les principes définis par le Conseil constitutionnel et nous reviendrons en 2013 avec une mesure qui mette en oeuvre cette philosophie, à laquelle nous ne renonçons pas", a confirmé de son côté le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, au Journal du dimanche.

Confronté à une croissance atone et une popularité en berne, François Hollande qui prépare ses voeux du 31 décembre, a accueilli "sereinement" l'annonce de la censure, assure son entourage.

"C'est un peu une déception quand même, mais il faut retenir la validation par le Conseil constitutionnel des grandes lignes de la réforme fiscale", a indiqué à Reuters une source proche du gouvernement.

Ragaillardi vendredi par le contrat historique obtenu par les chantiers navals de Saint-Nazaire, l'exécutif français n'aura guère eu le temps de souffler alors qu'il s'efforce de mettre en scène sa mobilisation durant les fêtes.

Si la nouvelle tranche marginale à 45% de l'impôt sur le revenu a quant à elle été jugée conforme à la Constitution, de nombreuses autres dispositions ont été censurées.

Le Conseil constitutionnel a ainsi également retoqué le relèvement de la fiscalité sur les stock-options et des actions gratuites.

Il a aussi censuré l'intégration dans le calcul du plafonnement de l'impôt sur la fortune (ISF) des bénéfices ou revenus auquel le contribuable n'a pas encore accès, comme des plus-values non encore réalisées sur des titres d'assurances-vies.

GUERRE FISCALE

L'annulation de toutes ces mesures ne menace pas la trajectoire des finances publiques, a assuré par ailleurs Pierre Moscovici sur BFM TV, confirmant implicitement l'objectif de limiter en 2013 les déficits publics à 3% du Produit intérieur brut.

"Il s'agit de quelques centaines de millions d'euros, entre 300 et 500 millions d'euros (...) La trajectoire des finances publiques est maintenue", a déclaré le ministre, indiquant que des mesures "techniques" pourraient combler les recettes perdues.

Ne devant toucher au plus que deux mille foyers fiscaux durant deux ans, la taxe à 75% est critiquée pour sa faible rentabilité par rapport à son impact supposé sur les investisseurs étrangers ou en terme d'exil fiscal.

"Ce n'est pas une guerre fiscale", a assuré le Premier ministre pour qui cette taxe exceptionnelle de deux ans "symbolise la volonté de justice fiscale du gouvernement".

L'ancien maire de Nantes a souhaité aussi clore la polémique sur cette mesure contre laquelle l'opposition de droite se déchaîne.

"Il ne s'agit pas de faire une polémique permanente autour de la fiscalité", a-t-il indiqué, jugeant que cet impôt constituait "un acte de solidarité pour redresser le pays". (Edité par Jean-Philippe Lefief et Agathe Machecourt)