L'annonce, qui vise à prévenir le risque de déflation et à relancer la croissance dans la zone euro, a fait plonger l'euro tout près de 1,14 dollar et les rendements des obligations européennes à de nouveaux records à la baisse.

La BCE a franchi l'étape ultime en matière de politique monétaire en lançant un programme de rachats d'obligations d'Etat qui lui permettra d'injecter des centaines de milliards d'euros dans le système financier de la zone euro pour tenter de relancer le crédit et l'activité.

La nouvelle politique d'assouplissement quantitatif ("quantitative easing", QE) de la BCE débutera en mars et s'achèvera en septembre 2016, en dépit des réticences exprimées par certains pays, Allemagne en tête.

Avec les mesures déjà prises de rachats de titres privés et de crédit bon marché accordé aux banques, la BCE injectera désormais 60 milliards d'euros dans l'économie chaque mois, a précisé Mario Draghi, le président de la BCE.

"En bref, la BCE semble avoir pris le taureau par les cornes", estime Benoît Anne, stratégiste sur les marchés à la Société générale.

À Paris, l'indice CAC 40 a fini en hausse pour la sixième séance d'affilée, gagnant 1,52% à 4.552,80 points, son plus haut niveau de clôture depuis le mois de juin. Le Footsie britannique a pris 1,02% et le Dax allemand 1,32%, tandis que l'indice EuroStoxx 50 a gagné 1,62% et le FTSEurofirst 300 1,56% à 1.453,37 points, un pic de sept ans.

Même Athènes (+1,14%) a gagné du terrain à trois jours des élections législatives grecques, alors que le parti de la gauche radicale anti-austérité Syriza est donné gagnant face à la Nouvelle démocratie (ND) au pouvoir.

Pourtant, le Premier ministre Antonis Samaras a affirmé que le pays ne pourrait pas bénéficier du programme de la BCE si elle ne trouvait pas un terrain d'entente avec ses créanciers sur le plan d'aide actuel.

D'un point de vue sectoriel, en Europe, presque tous les indices ont fini dans le vert, cycliques et financières en tête, à l'exception du secteur très défensif de la santé qui a cédé un petit 0,1%. L'indice du secteur automobile a pris 3,09%, les bancaires 2,7%, les produits de base 2,84% et la construction et des matériaux 2,06%.

A Paris, Saint-Gobain a pris 5,11%, plus forte hausse du CAC et de l'EuroStoxx 50, Alcatel-Lucent 5,09%, dopé par une recommandation de Goldman Sachs, Renault 3,78% et Société générale 3,72%.

Essilor en revanche est retombé de 2,6%, plus forte baisse de l'EuroStoxx 50, après avoir gagné plus de 12% en onze séances.

La devise européenne a touché son plus bas niveau depuis plus de 11 ans face au dollar, juste au-dessus de 1,14 dollar.

Mario Draghi "a sorti le bazooka (...) C'est un programme important et crédible", dit David Keeble, responsable des marchés de taux au Crédit agricole à New York.

Malgré la réaction positive des marchés au plan de la BCE, certains gérants de portefeuilles et analystes doutent de sa capacité à relancer la croissance.

"Je pense toujours que cela aura peu d'impact réel sur l'économie de la zone euro car les rendements des obligations d'Etat sont déjà au plus bas et les rendements des obligations d'entreprises non spéculatives sont à 1% en moyenne voir moins", dit Edmund Shing, gérant chez BCS Asset Management.

Sur le front obligataire, tous les titres européens concernés par le plan de rachats ont été recherchés, ce qui a entraîné leurs rendements à de nouveaux records à la baisse. De même, les obligations du Trésor américain, dont les taux sont plus attractifs, ont profité de l'annonce.

La BCE espère que la baisse des rendements de la dette souveraine incitera les investisseurs à prendre plus de risques, du côté de la dette d'entreprises.

"Les investisseurs vont être poussés vers des actifs à rendements plus élevés", dit Wilmer Stith, gérant obligataire chez Wilmington Trust à Baltimore, dans l'Etat du Maryland. "C'est ce que la BCE cherche à provoquer. Ils veulent engager plus de prises de risques dans l'économie."

Sur le marché pétrolier, le Brent retombe vers les 48 dollars le baril après l'annonce du programme de la BCE, qui devrait pousser le dollar à de nouveaux pics contre l'euro et peser par ricochet sur les cours des matières premières. Des stocks de brut américains plus importants pèsent aussi sur la tendance.

(Avec Alexandre Boksenbam-Granier, Blaise Robinson et Marius Zaharia et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Marc Angrand)