New York (awp/afp) - En chute libre depuis des semaines, le yen a violemment rebondi vendredi par rapport au dollar, un mouvement attribué par les cambistes à une probable intervention du Japon sur les marchés pour soutenir sa devise, dont a fait état un quotidien japonais.

La monnaie japonaise a vécu une séquence rarissime vendredi. Elle a commencé à chuter jusqu'à 151,94 yens pour un dollar, son plus bas niveau depuis 32 ans, avant de relever brusquement la tête et de grimper jusqu'à 146,23 yens vers 16H00 GMT.

L'amplitude du rebond, avec un gain de 3,91% entre les deux extrémités de la séance, est extrêmement rare, en particulier pour un cours impliquant deux des trois plus importantes devises du monde (avec l'euro).

"C'était une intervention sur le yen", a estimé Mazen Issa, de TD Securities, pour expliquer le brusque retournement de tendance à l'oeuvre depuis plusieurs semaines.

Le quotidien Nikkei a rapporté vendredi que le gouvernement japonais était effectivement intervenu sur les marchés pour venir en aide à sa monnaie, sans confirmation officielle à ce stade.

"Ils vendent des bons du Trésor américains pour financer l'opération", a expliqué Mazen Issa. Grâce à ces cessions, le ministère japonais des Finances récupère des dollars, qu'il convertit ensuite en yens, augmentant ainsi la demande de sa propre devise pour qu'elle s'apprécie.

La rumeur d'une prochaine intervention planait sur le marché des changes depuis plusieurs jours à mesure que le yen s'enfonçait, plombé par la politique monétaire ultra-accommodante de la Banque du Japon.

La décision du Japon a été prise un mois après une première intervention, pour les mêmes raisons, dont le Nikkei avait évalué l'ampleur à 3.000 milliards de yens, soit près de 21 milliards de dollars.

Si elle était confirmée, l'action des autorités japonaises ne serait que la seconde depuis 1998, après celle de fin septembre.

"Effets temporaires"

M. Issa a souligné que cette opération a eu lieu en fin d'après-midi heure de Londres, plaque tournante du marché mondial des changes, avant un week-end, "dont la liquidité était très faible", ce qui explique, pour partie, la violence du retournement.

"Ça a été fait pour infliger le maximum de souffrances aux spéculateurs", a-t-il affirmé.

"Nous ne pouvons pas tolérer des mouvements excessifs de spéculateurs", avait déclaré, plus tôt vendredi, le ministre japonais des Finances, Shunichi Suzuki, lors d'un point de presse. "Nous répondrons de façon appropriée en observant les évolutions du marché des changes avec une grande acuité."

Pour autant, quelques minutes seulement après le coup de rein initial, les effets de cette intervention supposée s'amenuisaient déjà.

Vers 18H00 GMT, le billet vert cédait 1,17% face à la devise nippone, à 148,39 yens pour un dollar.

"Je ne pense pas qu'ils puissent stopper" la baisse de la devise nippone, a fait valoir Adam Button, de ForexLive, au sujet du gouvernement japonais, "parce que ces mouvements sont soutenus par des fondamentaux", c'est-à-dire des facteurs macroéconomiques qui sapent le yen.

La Banque du Japon (BoJ) entend maintenir, jusqu'à nouvel ordre, sa politique de soutien massif à l'économie, illustrée par un taux directeur négatif (-0,1%).

L'institution estime que l'activité économique n'est pas suffisamment dynamique encore pour changer de cap monétaire et a fait, jusqu'ici, peu de cas de l'inflation, qui a pourtant accéléré à 3% en septembre sur un an, son rythme le plus élevé depuis 2014.

L'écart de taux avec la banque centrale américaine (Fed) atteint désormais plus de 3 points de pourcentage, ce qui favorise les investissements en dollars, au détriment de la monnaie japonaise.

Le rendement des emprunts d'Etat américains à 10 ans ressortait même à 4,22% vendredi, contre 0,25% pour leur équivalent japonais, ce dernier étant maintenu artificiellement bas par des achats illimités de dette par la Banque du Japon.

"Tant que nous ne verrons pas les taux américains arrêter de monter", prévient M. Button, "toute intervention (du Japon pour soutenir le yen) sera passagère, et ses effets temporaires."

afp/rp