par Matthias Blamont et Tim Hepher

Alors que les cendres du volcan Eyjafjöll menacent toujours de bloquer tout espoir de rétablissement rapide du trafic, plusieurs compagnies aériennes, Air France-KLM et British Airways en tête, ont critiqué la gestion des Etats et plaidé pour un processus de décision basé sur les résultats de tests effectués par des appareils volant sans passagers.

L'Iata a relevé ses estimations de perte de chiffre d'affaires des compagnies aériennes à 250 millions de dollars (186 millions d'euros) par jour contre une précédente estimation de 200 millions annoncée vendredi.

Cette nouvelle prévision porte à plus d'un milliard de dollars le manque à gagner des transporteurs depuis le début de la fermeture de l'espace aérien.

"Nous voulons exprimer notre insatisfaction car il n'y a pas eu de coordination et de leadership au niveau européen. Il aura fallu cinq jours aux ministres des Transports pour organiser une téléconférence qui a enfin lieu aujourd'hui", a déploré Giovanni Bisignani, directeur général de l'Iata.

"Les conséquences sont mondiales. L'impact économique (sur le secteur) est désormais plus important que le 11 septembre, quand l'espace aérien américain a été fermé pendant trois jours", a-t-il souligné.

La Commission européenne, qui estime également que l'impact de l'éruption devrait être supérieure à celui du 11 septembre, s'est déclarée prête à revoir les conditions d'octroi des aides d'Etat aux compagnies aériennes prévues en cas de catastrophe naturelle.

De son côté, l'Association européenne des compagnies aériennes (AEA) a estimé que plusieurs compagnies pourraient ne pas survivre à une suspension du trafic comprise entre cinq et 10 jours.

Au cours d'une conférence de presse, le directeur général d'Air France-KLM, Pierre-Henri Gourgeon, a fait valoir que son groupe perdait actuellement 35 millions d'euros par jour et que la gestion de l'éruption ne pouvait plus "continuer sur les mêmes bases".

Les titres des compagnies aériennes européennes ont été sanctionnées en Bourse. A la clôture, Air France-KLM reculait de 2,85% à 12,08 euros tandis que Lufthansa perdait 2,63% à Francfort et British Airways 1,4% à Londres.

L'indice sectoriel européen a cédé 1,16%.

"DUTY FREE"

La note risque également d'être conséquente pour les opérateurs aéroportuaires comme Aéroports de Paris, dont le titre a effacé 1,14%, ou Fraport (-1,98%), la société qui gère l'aéroport de Francfort, car le trafic perdu depuis jeudi pourrait ne jamais être rattrapé.

A l'exception notable de touristes pressés de rentrer chez eux, plusieurs voyageurs ont opté pour d'autres moyens de transport et laissé de côté les galeries commerciales "duty free" des aérogares.

Selon Eurocontrol, l'organisation intergouvernementale européenne en charge de la navigation aérienne civile, seuls 30% des vols auront été assurés lundi en Europe soit quelque 8.000 à 9.000 vols contre 28.000 en période normale.

Lufthansa et Air France-KLM ont fait voler des appareils sans passagers afin d'établir des routes où l'impact des particules fines dégagées par le volcan sur les réacteurs serait suffisamment faible pour reprendre des vols commerciaux si les autorités le permettent.

En Grande-Bretagne, des entreprises ont signalé l'absence de nombreux employés qui n'ont pu rentrer à temps de leurs vacances. Des hôpitaux ont dû reporter des opérations en raison du manque de chirurgiens tandis que certains grossistes alimentaires ont fait état de difficultés d'approvisionnement.

DES GAGNANTS ET DES PERDANTS

Les spécialistes de la logistique, à l'instar de FedEx ou de TNT, devraient voir leurs coûts augmenter avec le transfert vers le réseau routier de leur activité de messagerie.

Plusieurs experts rappellent toutefois que le commerce international, en volume, se fait essentiellement par terre et par mer mais que le transport aérien en représente 40% en valeur.

Le géant pharmaceutique Sanofi-Aventis et le distributeur Auchan ont indiqué que le gel du trafic avait, pour le moment, un effet marginal sur leurs stocks.

L'action Eurotunnel - l'opérateur du tunnel sous la Manche enregistre une forte accélération de ses réservations - a quant à elle progressé de 3,53% à 7,74 euros.

Avec la contribution du Bureau de Paris et de Bruxelles. Edité par Jean-Michel Bélot