La Banque du Canada devrait relever le mois prochain un indicateur clé du niveau des taux d'intérêt à long terme, ce qui pourrait porter un coup aux Canadiens lourdement endettés qui se sont habitués à des coûts d'emprunt très bas au cours des dernières décennies, selon les analystes.

Le taux d'intérêt neutre est le niveau auquel les taux à court terme devraient s'établir une fois que les chocs économiques se seront dissipés et que l'inflation sera revenue à la normale.

BMO Capital Markets, RBC Dominion Securities et TD Securities prévoient que la banque centrale canadienne augmentera son estimation du taux neutre de 25 points de base pour atteindre une fourchette de 2,25 % à 3,25 %, avec un point médian de 2,75 %, lors d'une mise à jour économique le 10 avril.

Cela signifie que les coûts d'emprunt ne baisseront probablement pas autant que lors des précédents cycles d'assouplissement, un changement qui pourrait également se produire dans d'autres grandes économies, selon les analystes.

Mais l'économie canadienne est particulièrement sensible à la hausse des coûts d'emprunt, l'endettement des ménages représentant plus de 180 % du revenu disponible, contre environ 100 % aux États-Unis, selon les données de l'OCDE, en grande partie pour participer à un marché immobilier en pleine effervescence au cours des dernières années.

Les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada ont également emprunté massivement pour financer les dépenses liées à la pandémie. Le budget fédéral doit être présenté le 16 avril. Les entreprises pourraient également être confrontées à des taux plus élevés pendant plus longtemps.

"Tout cela incite à une plus grande prudence quant à l'ampleur et à la rapidité de la baisse des taux", a déclaré Robin Marshall, directeur de la recherche sur les titres à revenu fixe chez FTSE Russell.

"Certains facteurs suggèrent que nous pourrions revenir à un cycle de type Boucles d'or pour les taux", a déclaré M. Marshall, faisant référence au conte de fées d'une petite fille qui aimait son porridge ni trop chaud ni trop froid.

Les taux d'intérêt se situeront probablement entre 3 % et 5 %, plutôt qu'entre 0 % et 3 % comme c'était le cas avant la crise financière mondiale de 2008-2009, a déclaré M. Marshall. Les marchés monétaires s'attendent à ce que les taux s'établissent à environ 3,3 % dans les années à venir, selon les données des contrats à terme, ce qui est bien supérieur à l'estimation actuelle de 2,5 % de la Banque du Canada pour le taux neutre.

La banque centrale a déclaré que les changements dans l'équilibre mondial de l'épargne et de l'investissement dus au départ à la retraite des baby-boomers, au ralentissement du rythme de la mondialisation et à la transition vers une économie à faible émission de carbone, ainsi qu'aux progrès de l'intelligence artificielle, créent un "risque significatif" de hausse du taux neutre.

Elle a déjà relevé le taux neutre une fois, en avril 2022, après l'avoir ramené à 2,25 % pendant la pandémie. Mais le taux avait déjà baissé régulièrement à partir d'un niveau de 5 % avant la crise financière mondiale.

La Banque du Canada devrait laisser son taux d'intérêt de référence, l'objectif du taux au jour le jour, inchangé mercredi, après l'avoir porté à 5 %, son niveau le plus élevé en 22 ans, pour freiner l'inflation, mais elle devrait ensuite entamer une campagne de réduction des taux en avril ou en juin.

"Le fait que les taux au jour le jour soient élevés, que la politique monétaire soit stricte et que la tendance à la baisse de l'inflation soit moins marquée que prévu, me laisse penser que les taux neutres sont probablement un peu plus élevés que prévu", a déclaré Andrew Kelvin, stratège en chef pour le Canada chez TD Securities.

La Réserve fédérale américaine estime également que son taux neutre est de 2,5 %, mais au moins un de ses représentants estime qu'il pourrait atteindre 3,8 %, comme l'ont montré les dernières projections trimestrielles de la banque centrale en décembre.

"Les taux de type pandémique proches de zéro, du point de vue de la Banque du Canada, sont une relique du passé pour l'instant", a déclaré Benjamin Reitzes, stratège en matière de taux et de macroéconomie chez BMO Capital Markets.