par Pascale Denis

Le géant français de l'assurance, numéro deux européen du secteur par la capitalisation boursière derrière Allianz, se trouve au centre d'une bataille boursière inédite.

Cinq ans après avoir échoué dans sa tentative pour racheter sa filiale Axa APH, qu'il détient à 54%, Axa s'est associé au gérant d'actifs australien AMP pour faire en novembre dernier une offre de 10,3 milliards de dollars sur sa filiale, aux termes de laquelle AMP rachetait la totalité d'Axa APH avant de revendre à Axa ses actifs asiatiques et ne conserver que les activités australiennes et néo-zélandaises de la société.

L'offre, rejetée par les administrateurs indépendants d'Axa APH, a ensuite été relevée à 11,7 milliards de dollars avant d'être contrée par NAB, qui en propose 12,0 milliards tout en offrant à Axa les mêmes conditions financières pour la reprise des seules activités asiatiques.

"Pour Axa, les deux offres sont équivalentes financièrement et il y a très peu de risque pour que l'opération ne se fasse pas", commente Benoît Valleaux, analyste de Natixis Securities.

Dans les deux cas de figure, l'opération devrait en effet se solder par un coût net de 1,4 milliard d'euros pour l'assureur français.

Ainsi, la bataille ne met-elle pas directement Axa en jeu, mais les deux acquéreurs australiens. "C'est à eux que revient la surenchère, s'il doit y en avoir une. Pas à Axa", relève un autre analyste.

ACCORD AVEC NAB

Dans l'ensemble, les experts du secteur penchent pour un rachat par NAB, dont l'offre améliorée a été acceptée par les administrateurs indépendants d'Axa APH mais présente aussi l'avantage d'offrir aux actionnaires une possibilité de rachat entièrement en cash.

"L'accord des administrateurs d'Axa APH pour l'offre de NAB plaide en sa faveur (...) mais quoi qu'il arrive, Axa est en position de force pour parvenir à son objectif", souligne Danny Jacques, analyste de Raymond James.

La composante 100% cash de l'offre de NAB est synonyme de garantie financière pour les investisseurs et lui apporte un avantage important, indique un analyste qui a souhaité garder l'anonymat. "Je ne sais pas si AMP a les moyens de surenchérir en proposant la même option en numéraire", ajoute-t-il.

Un autre estime lui aussi qu'une reprise par NAB "paraît plus logique".

Un accord d'exclusivité passé entre Axa et AMP arrive à échéance le 6 février. Après cette date, l'assureur français pourra négocier avec NAB, dont l'offre reste valable jusqu'au 16 février.

Du côté d'AMP, une surenchère semble peu probable, le gérant d'actifs ayant qualifiée sa dernière offre de "ferme et définitive", une déclaration qui, selon le droit australien des OPA, interdit à une société de revenir à la charge.

PAS DE NOUVELLE GRANDE OPÉRATION À COURT TERME

Axa, qui aux yeux de nombreux analystes avait pris du retard dans son exposition aux pays émergents, entend porter leur part à environ 15% de son résultat opérationnel dans les trois à cinq ans qui viennent, contre moins de 5% seulement aujourd'hui.

L'effet dilutif de l'opération semble devoir être contrebalancé, à leurs yeux, par son intérêt stratégique qui permet au groupe de renforcer son profil de croissance.

Cette acquisition, couplée au rachat des intérêts minoritaires d'Axa détenus par la Berd en Europe de l'Est (pour environ 150 millions d'euros) et au financement d'un accès au réseau élargi de distribution de produits d'assurance de l'italien Banca Monte dei Paschi di Siena, avec lequel Axa a un accord de coentreprise, laissent peu de place à court terme à une nouvelle opération d'envergure.

En même temps que le lancement de son offre avec AMP, Axa a procédé à une augmentation de capital de 2,0 milliards d'euros destinée à financer sa croissance externe.

"Il lui en reste environ 400 ou 500 millions, pas de quoi faire une acquisition majeure, à court terme du moins", observe un analyste.

D'autant que sa sortie prévue - pour des raisons réglementaires - du chinois Taikang Life, dans lequel il détient 15% du capital valorisés entre 800 millions et un milliard d'euros, pourrait prendre du temps.

Edité par Dominique Rodriguez