(Actualisé, réactions USA, Danemark, Norvège §§ 13, 15)

par Elias Biryabarema

ENTEBBE, Ouganda, 24 février (Reuters) - Le président ougandais, Yoweri Museveni, a promulgué lundi une loi controversée qui durcit drastiquement les sanctions contre les homosexuels, malgré les protestations du Royaume-Uni et des Etats-Unis.

Selon la nouvelle loi, les faits d'"homosexualité grave", c'est-à-dire les rapports sexuels accomplis avec un mineur ou en étant porteur du VIH, seront passibles de la prison à vie.

Le texte criminalise pour la première fois l'homosexualité féminine, et qualifie aussi de crime le fait de faciliter les rapports homosexuels d'autres personnes.

Les défenseurs des droits des homosexuels en Ouganda ont annoncé leur intention de contester le texte devant la justice.

Yoweri Museveni a été salué par les applaudissements de responsables ougandais lorsqu'il a apposé sa signature au texte, devant un public de journalistes étrangers.

"Il y a actuellement une tentative d'impérialisme sur le plan social, d'imposer des valeurs dans la société", a-t-il dit. "Nous sommes désolés de voir comment vous vivez, mais nous ne disons rien à ce sujet."

Les organisations de défense des homosexuels craignent que le texte pousse d'autres pays à renforcer les peines encourues pour des rapports entre personnes du même sexe, à dissuader leurs habitants de passer des tests de dépistage du VIH et à empêcher les homosexuels de vivre de façon ouverte.

L'homosexualité est illégale dans 37 pays d'Afrique.

WASHINGTON RÉEXAMINE SES RELATIONS AVEC KAMPALA

"J'en suis malade", dit Kasha Nabagesera, militante ougandaise des droits des homosexuels. "Ces termes dégradants que le président a employés... Mon pays est fou en ce moment."

Selon un porte-parole du gouvernement, Yoweri Museveni a signé la loi en public pour "démontrer l'indépendance de l'Ouganda face aux pressions et aux provocations occidentales".

La semaine dernière, le chef de l'Etat avait repoussé l'échéance pour permettre éventuellement à des scientifiques de démontrer que l'homosexualité résulte d'un déterminisme génétique et non d'un choix délibéré. Le rapport ayant conclu qu'aucun "gène" ne prédéterminait à l'homosexualité, Yoweri Museveni s'est estimé libre de promulguer la loi.

Le président Barack Obama avait averti que la promulgation du texte compliquerait les relations bilatérales et serait un "grand bond en arrière pour tous les Ougandais". Les Etats-Unis fournissent une aide annuelle de 400 millions de dollars à Kampala.

Lundi après-midi, après l'annonce de la promulgation de la loi, le secrétaire d'Etat américain John Kerry s'est dit "très déçu" et a déclaré que les Etats-Unis allaient réexaminer leurs relations avec l'Ouganda, notamment leurs programmes d'assistance.

Au Royaume-Uni, autre important donateur, le chef de la diplomatie, William Hague, a fait état des doutes de Londres quant à la compatibilité de la nouvelle loi avec la Constitution ougandaise et les traités internationaux, mais n'a pas évoqué de réduction des aides.

La Norvège et le Danemark ont annoncé la suspension de leur aide financière à Kampala.

L'Ouganda est un allié important des puissances occidentales dans la lutte contre l'extrémisme islamique en Somalie, où le gros des forces de maintien de la paix de l'Union africaine provient de l'armée ougandaise.

En outre, le pays espère produire du pétrole pour la première fois en 2016, date de la prochaine élection présidentielle, et réduire ainsi sa dépendance vis-à-vis de l'aide extérieure. (Elias Biryabarema; Jean-Philippe Lefief, Julien Dury et Guy Kerivel pour le service français)