* Bachar al Assad appelle à la guerre pour défendre la nation

* La Coalition nationale syrienne rejette le plan de Bachar

* Pour l'UE, Assad doit partir pour permettre la transition (Actualisé avec réaction des Etats-Unis, §§ 6 à 8)

par Peter Graff et Erika Solomon

BEYROUTH, 6 janvier (Reuters) - Le président Bachar al Assad a dévoilé dimanche un "plan de paix" visant à mettre fin à la guerre civile en Syrie, une initiative accueillie avec dédain par ses opposants qui y voient un subterfuge visant à s'accrocher au pouvoir.

Devant un auditoire de partisans enthousiastes réunis à la Maison de la culture de Damas, le chef de l'Etat, très offensif, a fait sa première apparition en public depuis novembre et prononcé son premier discours depuis juin.

Le "raïs" a invité ses compatriotes à se mobilier pour une "guerre visant à défendre la nation", qualifiant au passage les insurgés de terroristes à la solde de l'étranger avec qui il est impossible de négocier.

Sa nouvelle initiative, comprenant une conférence de réconciliation excluant "ceux qui ont trahi la Syrie", ne contient aucune concession et ne fait que "recycler" des propositions déjà rejetées par ses adversaires depuis le début, en mars 2011, du soulèvement armé.

Pour la Coalition nationale syrienne (CNS, rebelle), l'intervention du président constitue une tentative visant à contrarier un accord international, soutenu par les Arabes et les Occidentaux, sur la nécessité de sa démission.

Les Etats-Unis, qui estiment que ce discours n'est qu'une autre tentative du régime de s'accrocher au pouvoir, ont de nouveau exigé le départ du président syrien.

L'allocution d'Assad "n'est rien d'autre qu'une nouvelle tentative du régime de s'accrocher au pouvoir et n'apporte rien à la recherche d'une transition politique voulue par le peuple syrien", a dit Victoria Nuland, porte-parole du département d'Etat.

"Cette initiative est coupée de la réalité, elle sape les efforts du représentant spécial (de l'Onu et de la Ligue arabe) Lakhdar Brahimi et permet uniquement au régime de maintenir sa sanglante oppression sur le peuple syrien", a-t-elle ajouté, réclamant une nouvelle fois le départ du raïs syrien.

"DES PROMESSES CREUSES"

Le secrétaire au Foreign Office, William Hague, a évoqué sur Twitter "des promesses creuses de réformes qui ne trompent personne". "Les morts, les violences et l'oppression dont la Syrie est victime relèvent de son seul fait", a-t-il souligné.

A Bruxelles, la porte-parole de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a fait savoir que les Vingt-Sept allaient "examiner avec soin s'il existe de quelconques éléments nouveaux dans le discours". "Mais, a-t-elle ajouté, nous maintenons notre position, qui est que Bachar al Assad doit céder la place et permettre une transition politique".

A Ankara, le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a lui aussi évoqué une répétition de promesses vides. "Ayant perdu son autorité sur le peuple syrien, le discours d'Assad n'a plus aucun caractère de persuasion (...) Il faut mettre en place une période de transition par l'intermédiaire de discussions avec des représentants de la nation syrienne", a-t-il dit.

Dans son discours d'une heure environ, le président a déclaré: "Il serait nécessaire, pour la première étape d'une solution politique, que les puissances régionales cessent de financer et d'armer (l'opposition), la fin des opérations terroristes et le contrôle des frontières".

"Nous ne dialoguerons pas avec une marionnette fabriquée par l'Occident", a ajouté l'orateur, très applaudi, à propos de l'opposition.

Bachar al Assad a parlé d'un ton très assuré devant un public acquis à sa cause qui n'a pas hésité à l'interrompre pour l'applaudir. A un moment, la foule a levé le poing et scandé : "Nous nous sacrifions pour toi corps et âme, ô Bachar !"

SCÈNE ENVAHIE PAR LA FOULE

"Nous sommes désormais en état de guerre dans tous les sens du terme", a déclaré le président. "Cette guerre vise la Syrie en se servant d'une poignée de Syriens et de nombreux étrangers. De ce fait, c'est une guerre pour la défense de la nation."

"(...) la souffrance accable la terre de Syrie. Il n'y a pas de place pour la joie quand la sécurité et la stabilité sont absentes des rues de notre pays", a lancé le chef de l'Etat. "La nation appartient à tous ses fils et nous devons tous la protéger".

A la fin de son discours, prononcé sur une scène derrière laquelle trônaient un grand drapeau et une galerie de portraits de victimes du conflit, la foule a envahi l'estrade au cri de "Allah, Syrie et Bachar nous suffisent !". L'orateur, tout sourire, est alors sorti sous bonne escorte.

"Assad a simplement voulu, avec l'initiative qu'il a présentée, couper l'herbe sous les pieds (de ceux qui veulent) parvenir à une solution politique qui pourrait résulter de la réunion américano-russe à venir avec (l'émissaire des Nations unies Lakhdar) Brahimi, ce que l'opposition ne pourra pas accepter jusqu'à son départ et celui de son régime", a déclaré à Reuters le porte-parole de la CNS, Walid Bounni.

Pour ce dernier, le chef de l'Etat redoute qu'un accord quel qu'il soit ne signifie sa chute. "Il sent le danger que toute initiative comporterait".

D'après l'Onu, la guerre civile a fait 60.000 morts et les combats se rapprochent de la capitale. Ces derniers six mois ont été marqués par une forte progression des insurgés, issus principalement de la majorité sunnite hostile au clan Assad. ce dernier appartient à la minorité alaouite, une branche dissidente du chiisme.

Parallèlement, la diplomatie semble marquer le pas après la déclaration de Genève de juin prévoyant un cessez-le-feu, la formation d'un gouvernement doté des pleins pouvoirs et des élections. Ce plan n'évoquait toutefois pas le départ de Bachar al Assad. (avec Suleiman Al-Khalid à Amman, Tim Castle à Londres et Gulsen Solaker à Ankara; Danielle Rouquié, Jean-Loup Fiévet et Guy Kerivel pour le service français)