"Quel regard portez-vous sur le redressement des actions européennes depuis plusieurs mois ?
Le rallye de 25% n'est pas une surprise et a bien été anticipé par LBPAM.
La prime de risque retenue par le marché était clairement très élevée. L’exigence de rentabilité conduisait à un affaiblissement du marché.
Les différentes déclarations et annonces de Mario Draghi durant l’été 2012, présageaient d'un endiguement de la crise de la dette de la zone euro.
Une détente du niveau des taux obligataires des Etats périphériques de la zone euro s'est enclenchée, ce qui a contribué à restaurer un climat de confiance et à faire monter les actions.

Nous entrons dans une zone de progression que nous n'avions pas connue depuis la crise de 2007-2008. Pensez vous que nous assistons à un décalage entre le marché et la réalité économique ?

J'analyse le rallye comme un phénomène de rattrapage. Un retard par rapport aux autres classes d'actifs et par rapport aux autres marchés actions, notamment le marché des actions américaines, qui a simplement été comblé.

Au-delà du risque d'un éclatement de la zone euro, les actions européennes souffraient également du risque d’une dégradation de la croissance bien plus prononcée que prévu.
A présent, les marchés sont dans l'anticipation d'une amélioration de la situation sur le front macroéconomique mondial, à mon sens à juste titre.

Il semble que la conjoncture en Chine est en voie d'amélioration. Les indicateurs le montrent. L'établissement du nouveau gouvernement chinois laisse augurer l'accélération de mesures favorables à l'économie chinoise, qui requiert un rythme de progression compris entre 7% et 8% pour éviter l'exacerbation des tensions sociales.
Ce point est essentiel à prendre en compte car les marchés émergents représentent désormais 80% de la croissance mondiale.
Par ailleurs, du côté des Etats-Unis, nous avons aussi pu observer une multiplication de statistiques allant dans le sens d'une dynamique plus favorable. Nous pouvons notamment mentionner le recul du taux de chômage ou encore la hausse des transactions dans l'immobilier résidentiel.

Ce faisant, il est important de garder à l'esprit qu’en moyenne plus d'un tiers du chiffre d'affaires des entreprises européennes cotées est réalisé à l'international, en dehors des frontières de l’Europe. Cette embellie sur le front macroéconomique chinois et américain permet ainsi d'espérer une croissance des bénéfices.

Pour autant, la probabilité d'une correction vous semble importante...
Plusieurs raisons à cela. En premier lieu, les tensions qui entourent le dossier du fiscal cliff aux Etats-Unis. Même si la résolution du problème a été reportée de quatre mois, et malgré le fait que nous pouvons espérer un dénouement positif cela n'empêchera pas la nervosité des marchés qui n’aiment pas du tout l’incertitude.

Les doutes qui planent sur l’aboutissement des élections en Italie peuvent aussi contribuer à la correction.

Un autre élément qui me conduit à tabler sur une pause est d'ordre technique. Le sentiment des investisseurs vis à vis des marchés se situe dans une zone quasi euphorique. Fin décembre et début janvier, des investisseurs institutionnels (fonds de pensions américains, anglais et des investisseurs européens) ont recommencé à investir massivement en Europe : en se positionnant sur de la dette italienne et espagnole ce qui a conduit à une poursuite de la compression des spreads et en achetant directement des actions européennes sous pondérées depuis plus de deux ans.
Ainsi, le rallye s’est fortement accéléré. Ce trend peut difficilement perdurer sans heurt.

Quelle pourrait être l’ampleur de cette correction ?

Elle pourrait s’élever jusqu’à environ 5%. Mais cette correction ne devrait pas compromettre le mouvement ascendant des actions.

Quand pourrait avoir lieu cette correction ?
Il est difficile de donner un timing précis. Le simple fait que le nouvel accord entre les démocrates et les républicains ait repoussé la résolution du relèvement du plafond de la dette américaine de trois mois complique la visibilité. La correction pourrait avoir lieu au cours du 1er trimestre.

Les actions européennes sont-elles celles qui présentent le potentiel de progression le plus important ?
C’est effectivement notre sentiment. Nous n’attendons plus grand-chose du marché américain. Le S&P est à 1500 points. Il est difficilement concevable qu’il aille beaucoup plus loin à court terme.

Quel est le potentiel de hausse des actions européennes sur l’année ?

Nous tablons sur un potentiel de progression d’une dizaine de pourcent, correspondant aux estimations de progression des bénéfices des sociétés.

Dans le cas où la prime de risque venait à continuer à se contracter, le potentiel pourrait se situer autour de 20%. Il est difficile d'assurer que cette performance sera réalisée d'ici la fin de l'année.

Quels seront les catalyseurs du marché les plus importants ?

Tout d’abord, l'accord sur la dette américaine pourrait conduire à un relâchement significatif de la prime de risque et bénéficier aussi bien aux actions américaines qu’aux actions européennes.

Second catalyseur, la qualité du message de la Fed sera aussi un facteur influent. Dans les dernières minutes de La Banque Centrale, certains membres du comité de pilotage évoquent une sortie de la politique monétaire ultra accommodante plus tôt que prévu. Même si, à ce stade, je n'entrevois pas cette sortie avant fin 2014, l'institution monétaire devra préparer le marché dans les mois à venir.
Les résultats du quatrième trimestre américain, plutôt bons, peuvent aussi conforter le marché.

Traditionnellement, dans 80% des cas, les anticipations des analystes du début janvier sont révisées à la baisse au fur et à mesure que l'année s'écoule.
Cette tendance à la révision baissière a ralenti. Nous sommes dans une zone de résistance de prévisions des bénéfices. Nous pourrions même avoir des révisions à la hausse.

Un autre catalyseur, enfin, pourrait être d'ordre réglementaire. Les normes de Bâle III ont été allégées. Il me parait essentiel de continuer dans le sens de cette réforme pour les compagnies d'assurances via les normes Solvency II. Actuellement le coût de portage en fonds propres des actions pour un assureur est très conséquent. Si ce coût venait à être allégé, nous pourrions avoir un élément moteur pour les actions, et notamment les actions européennes. Cela amènerait ces investisseurs institutionnels d'envergure à revenir plus massivement sur cette classe d'actifs.

Quels sont les principaux risques à surveiller ?
La baisse du yen est un risque qu'il ne faut pas négliger. Le Japon est un pays exportateur. La dépréciation de la devise nippone peut être inquiétante pour la Corée et l'Allemagne. La machine outil allemande est susceptible de subir de plein fouet la concurrence japonaise.
En termes de performance, si les marchés boursiers italien et espagnol s'en sortent bien, en raison du rattrapage de leur retard, en revanche, le marché allemand enregistre, en relatif, un gain beaucoup moins élevé.
Le marché allemand pourrait être celui qui profite le moins du rebond des actions européennes cette année.

La difficulté des Etats à engager des réformes structurelles pourrait compromettre le rallye haussier des actions européennes.
Les banques centrales sont déjà très engagées. S'il n'y a pas d'activité, l'injection de liquidité ne suffit pas à relancer la croissance.
Il faut que les réformes entamées en Italie et en Espagne se poursuivent même si elles sont coûteuses à court terme.

Une envolée des prix des matières premières vous semble-t-elle un risque important ?
Je ne l'identifie pas comme étant un risque prioritaire.

Pensez-vous que le marché sera animé par des opérations capitalistiques cette année ?

Oui. L'argent n'est pas très cher. Les grandes sociétés sont pour la plupart peu désendettées. La croissance est structurellement plus faible. Acheter des parts de marché semble une bonne marche à suivre.
Jusqu'ici les sociétés américaines se sont surtout concentrées sur le rachat de leurs propres titres. C'est une manière d'utiliser du cash.
Cela n'est pas le plus intéressant sur le plan capitalistique.
Il faudrait que les indicateurs macroéconomiques confirment une croissance des Etats-Unis, et des pays émergents pour voir les opérations se multiplier.

A quelle stratégie d’investissement vous conduit cette toile de fond macroéconomique et financière ? Quelle sont vos thématiques d’investissement ?
Nous sommes actuellement plutôt surpondérés sur les actions.

Dans notre fonds LBPAM Actions Monde, nous sommes sous pondérés sur les Etats-Unis et le Canada ; positifs sur l'Europe et surpondérés sur la Chine.
Nous sommes investis dans la technologie (semi-conducteurs, restructurations possibles dans les équipementiers télécoms) et des médias.
Nous mettons l'accent sur les sociétés européennes exposés aux pays émergents (demande interne, vieillissement de la population et infrastructure).
Nous sommes également positionnés sur les sociétés financières, notamment sur les compagnies d'assurances.




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