par Paul Taylor

Des diplomates européens expliquent que les fuites qui ont alimenté les médias des deux pays européens sont à replacer dans le contexte des pressions que l'Allemagne exerce sur Madrid pour que des mesures d'austérité supplémentaires soient mises en oeuvre afin de réduire l'important déficit budgétaire espagnol.

Les Allemands semblent avoir commencé les premiers en déclarant à des journalistes le 7 juin, sous le sceau de l'anonymat, que l'Espagne était sur le point de demander une aide de l'Union européenne. Le même jour, Berlin adoptait son propre plan d'austérité.

Deux responsables allemands ont déclaré à Reuters que le gouvernement espagnol allait faire une annonce concernant le fonds de stabilisation financière de la zone euro ce jour-là, alors que les ministres européens des Finances étaient réunis à Luxembourg pour finaliser les derniers détails du dispositif de 440 milliards d'euros.

Les sources ont déclaré qu'elles ne pouvaient pas exclure que Madrid demande à pouvoir bénéficier de ce mécanisme ou à utiliser un fonds communautaire de 60 milliards d'euros qui était déjà disponible, tout en précisant que l'Espagne pourrait d'abord essayer de se financer sur les marchés.

ZAPATERO FURIEUX, SELON DES DIPLOMATES

Cette hypothèse a été fermement démentie à Madrid, Bruxelles et Luxembourg où les participants à la réunion ont déclaré que l'Espagne n'avait pas formulé de demande de ce type.

Après de nombreuses vérifications, Reuters a jugé qu'il n'y avait pas de faits à rapporter mais la rumeur affectait déjà les marchés.

Elle a refait surface sous une forme différente vendredi dernier lorsque le Financial Times Deutschland a rapporté sans citer de sources que l'Union européenne se préparait à activer un plan d'aide pour l'Espagne au cas où Madrid en ferait la demande.

Le Frankfurter Allgemeine Zeitung a cité lundi une source gouvernementale allemande rapportant que les pays européens se préparaient à aider l'Espagne et en discuteraient cette semaine.

Selon des diplomates, le président du gouvernement espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero était furieux et il a demandé à savoir à Berlin et à Bruxelles d'où provenaient ces informations.

Interrogé sur les articles dans la presse allemande, la chancelière Angela Merkel a répondu aux journalistes ce jour-là: "S'il devait y avoir des problèmes, et nous ne devrions pas en faire la publicité, le mécanisme peut être activé à tout moment. L'Espagne et tous les autres pays savent qu'ils peuvent avoir recours à ce mécanisme si nécessaire."

Les articles de presse ont fait baisser l'euro face au dollar et grimper les coûts d'emprunt pour l'Espagne sur les marchés de crédit, selon les opérateurs de marché. En milieu de semaine, la prime de risque que les investisseurs demandaient pour détenir de la dette espagnole plutôt que des emprunts allemands a atteint un record depuis la création de l'euro à près de 240 points de base.

RIPOSTE

La riposte s'est engagée mardi lorsque le journal El Pais, citant des responsables du gouvernement espagnol, a rapporté que Madrid souhaitait publier les résultats des stress tests qui ont commencé à être menés sur ses banques afin de rassurer les marchés, une initiative à laquelle Berlin s'était jusque-là opposé.

Le jour suivant, la Banque d'Espagne a fait savoir qu'elle allait publier prochainement et de manière unilatérale les résultats des tests sur les banques espagnoles.

Cette annonce a forcé la main des dirigeants européens, réunis jeudi à Bruxelles, qui ont annoncé que le résultat des tests de résistance sur les 25 principaux établissements de la zone euro seraient rendus publics d'ici la fin juillet.

Interrogé à l'issue de ce sommet européen sur les rumeurs concernant une demande d'aide de l'Espagne, José Luis Rodriguez Zapatero a répondu : "J'ai conscience que cette rumeur circule mais je dirai que vous devez être patients et que vous devriez écouter ce que dit le gouvernement espagnol et ne pas prêter attention aux rumeurs."

Les responsables européens, qui sont peu enclins à s'exprimer sur ce différend de manière officielle, indiquent que la Commission a été sidérée par les fuites dans la presse qui ont nui à la zone euro.

"Nous ne pouvons pas comprendre comment cela pourrait être dans l'intérêt de l'Allemagne ou de n'importe qui d'autre dans la zone euro", a déclaré un responsable.

Avec Matthias Sobolewski à Berlin, Julien Toyer à Bruxelles, Paul Day et Nigel Davies à Madrid, Gwénaelle Barzic pour le service français