* Le vote du Parlement européen ne sera pas son dernier mot

* Les députés européens posent leurs conditions

* Les Verts veulent aller jusqu'au bout

par Gilbert Reilhac

STRASBOURG, 10 mars (Reuters) - Le Parlement européen exprimera mercredi son refus "en l'état" de l'accord sur le budget de l'UE de 2014 à 2020 auquel sont parvenus les dirigeants européens début février, marquant le début d'une négociation qui devrait aboutir à un compromis.

A un an des élections européennes, les députés européens affirmeront leurs nouvelles prérogatives, issues du traité de Lisbonne, qui leur donne un droit de veto sur le Cadre financier pluriannuel (CFP), en fixant leurs conditions au Conseil.

L'accord entre les Vingt-sept "ne reflète ni les priorités ni les préoccupations exprimées par le Parlement européen et ne tient pas compte du rôle et des compétences qui lui ont été conférés par le traité de Lisbonne", dit le projet de résolution qui sera soumis au vote et dont Reuters a eu communication.

Présenté par le Parti populaire européen (PPE, centre-droit), les Socialistes et démocrates, les Libéraux-démocrates et les Verts, quatre groupes qui représentent 80% des eurodéputés, le texte devrait être adopté sans difficulté.

"Ce sera notre mandat de négociation", souligne le député français Alain Lamassoure (PPE), président de la commission des budgets, qui ne doute pas qu'elles "seront longues".

Les dirigeants européens étaient tombés d'accord à Bruxelles sur une enveloppe budgétaire en baisse, pour la première fois dans l'Histoire de la construction européenne.

Les plafonds qu'ils ont fixé pour les sept années à venir s'établissent à 960 milliards d'euros en crédits d'engagement (les autorisations de programmes), soit 1% du revenu national brut de l'UE et une baisse de 3,4% par rapport à 2007-2013.

Les crédits de paiement - ce qui peut être effectivement dépensé - ressortiraient à 908,4 milliards d'euros contre 942,8 milliards pour la période précédente.

"OÙ EST L'INNOVATION?"

Dès l'accord conclu, les quatre groupes politiques avaient, dans une déclaration commune, dénoncé "un budget uniquement fondé sur les priorités du passé" - 73% restant affectés à la politique agricole et à la politique de cohésion - qui mènerait à "un déficit structurel", en raison du décalage croissant entre crédits d'engagement et crédits de paiement.

"Où est l'innovation, où est l'éducation, où est la recherche ? Ils ont renoncé à l'idée que nous avions besoin de moderniser l'Europe", a dit Martin Schulz, président du Parlement, dans une interview à Reuters. (voir )

Signe d'une volonté de compromis, le Parlement devrait pourtant renoncer à exiger un relèvement des plafonds dont la définition a donné lieu à un marchandage serré entre les Etats, dont le Royaume-Uni de David Cameron, leader des moins-disant.

"Nous pouvons accepter de travailler sur un budget globalement plus serré, compte tenu de la période de crise dans laquelle nous vivons aujourd'hui", a justifié le président du groupe libéral-démocrate, Guy Verhofstadt.

Cette position est aujourd'hui partagée par le PPE et les sociaux-démocrates mais rejetée par les Verts.

"Si on maintient les choses en l'état, on impose une politique d'austérité budgétaire sans aucune politique de relance. C'est l'échec de François Hollande" (et de son pacte de croissance), affirme son co-président Daniel Cohn-Bendit.

LES VERTS VEULENT UN "NON" CLAIR

Le projet de résolution pose toutefois, comme préalable à tout accord, l'apurement des impayés de la période précédente.

"On est sur un montant identifié de 16 milliards d'euros. S'il n'est pas honoré, on n'est plus à 908 milliards de crédits de paiement mais à 908 moins 16 milliards", s'indigne Catherine Trautmann, chef de la délégation des socialistes français.

Le Parlement devrait mettre trois autres conditions à un accord, dont un engagement du Conseil sur une "flexibilité" autorisant le déplacement de crédits non employés d'une rubrique à l'autre et d'une année à l'autre.

"Une flexibilité spécifique et aussi grande que possible sera mise en ÷uvre", peut-on lire dans les conclusions du Conseil, mais "seul le mot existe", estime Alain Lamassoure.

Les eurodéputés demanderont des engagements sur une augmentation des ressources propres qui alimenteraient directement le budget de l'UE, une revendication soutenue la Commission européenne mais rejetée par certains Etats membres.

Ils exigeront enfin une révision du CFP à mi-parcours pour tenir compte d'une éventuelle reprise de la croissance et permettre au Parlement européen issu des élections de 2014 de garantir la "légitimité démocratique" de l'accord.

Jusqu'où les eurodéputés, dont une majorité appartient à des partis de gouvernement, pousseront-ils le bras de fer ?

"Nous jouons notre crédibilité", reconnaît Catherine Trautmann.

"S'il n'y a pas d'accord, c'est le cadre budgétaire actuel qui continuera à s'appliquer", rappelle Alain Lamassoure, qui y voit une position de force pour le Parlement.

Daniel Cohn-Bendit estime pour sa part qu(un compromis finira "malheureusement" par s'imposer.

"Il faudrait qu'une fois ce Parlement dise 'non'. En disant 'non' maintenant, il lancerait un vrai débat pour les prochaines élections européennes" de juin 2014, propose-t-il. (Edité par Yves Clarisse)