Les négociations pour la nouvelle programmation budgétaire de l'Union Européenne à l'horizon 2014-2020 sont lancées ! Avec la crise, les Etats-Nations en Europe ont repris goût, semble-t-il, à l'action pour compte propre. Ils développent des plans de relance bénéficiant de dérogations pour des aides directes aux entreprises, investissent l'espace médiatique au point d'en oublier les acquis communautaires : il va être précisément difficile de retrouver, à l'occasion de cette négociation sur le budget européen, le chemin de ce subtil équilibre communautaire !

Selon toute vraisemblance, il faut donc s'attendre à ce que des ajustements limités soient rendus, selon l'avis même du Commissaire européen au Budget Janusz Lewandowski : il s'agira, selon lui, d'une "évolution et non d'une révolution" (actuellement le budget de l'Union représente environ 1% du PIB européen). Et pourtant le monde est en ébullition ! La globalisation et la pression concurrentielle des pays émergents s'accentuent, les entreprises européennes ont plus que jamais besoin de projets industriels d'envergure ! Et les enjeux d'une croissance verte appellent une réponse forte européenne.

C'est la Politique Agricole Commune qui reste pour l'instant au centre des débats : elle absorbe 40% du budget européen, bénéficie en premier lieu à la France (9,5 milliards d'euro) mais aussi à l'Allemagne (6,5 milliards d'euro). Et précisément voici que la France et l'Allemagne ont retrouvé la voie sinueuse d'une coopération renforcée en annonçant vendredi 14 septembre à Berlin une position commune sur la PAC. Deux acquis de la PAC sont réaffirmés : le haut niveau de ressources financières et le principe très défendu du côté français d'une régulation du secteur…. Un quasi statu quo. Comment alors imaginer un assouplissement de la position britannique sur le rabais accordé en 1984 sous la pression du premier ministre britannique de l'époque, Margaret Thatcher ?

Les débats s'annoncent passionnants, d'autant plus que la capacité de contribution financière des Etats-membres est réduite par les déficits publics… ce qui a été rappelé fermement face aux premières propositions de la Commission d'une hausse de 6% de son budget.

Face à ce tour de chauffe où chacun peaufine et teste son argumentaire, il pourrait être pertinent de rappeler quelques éléments préalables issus de très nombreuses contributions scientifiques.

D'abord évoquer la question des compétences de l'Union : quels sont les « biens publics européens » susceptibles d'être gérés et donc financés au niveau européen pour le bénéfice de l'ensemble des membres ? Environnement ? Recherche ? Santé ? A partir de ce constat, la question du financement de ces compétences se posera plus naturellement.

Ensuite l'U.E. doit, selon de nombreux experts, orienter son budget plutôt vers des dépenses d'innovations, d'infrastructures, de soutien à la recherche et au développement permettant de réelles et rapides externalités budgétaires positives sur les entreprises et les ménages. L'emploi pourrait en bénéficier alors rapidement. On peut même imaginer aller plus loin autour d'une politique industrielle ambitieuse au niveau européen.

Enfin l'U.E. ne possède pas de ressources propres pour son budget. C'est une situation paradoxale qui explique en partie le manque de reconnaissance des citoyens européens à son égard. En respectant un principe d'isofiscalité - c'est-à-dire en compensant par une baisse d'impôt au niveau national - la création d'un impôt européen pourrait donner un souffle nouveau au travail communautaire. Pourquoi par exemple ne pas réserver une part réduite de l'impôt sur le revenu des personnes physiques au profit de l'Union Européenne sans accroitre la charge fiscale totale sur les ménages, ce qui implique une réduction correspondante de la part revenant traditionnellement aux Etats-membres ?

Bref, les idées et la motivation ne manquent pas. Avec leurs premières prises de position, les gouvernements européens prennent leur élan, espérons qu'ils sauront rebondir.

Laurent Guihéry