Ces sources insistent sur le fait que seul Standard & Poor's a dégradé la France et huit autres pays de la zone euro, que les garanties dont jouit le Fonds européen de stabilité financière (FESF) peuvent être relevées, que celui-ci pourrait conserver sa note maximale AAA en réduisant sa capacité effective de prêt ou encore qu'il pourra continuer à opérer sans cette note.

Elle pointent aussi le fait que la structure du Mécanisme européen de stabilité financière (MES), qui doit prendre la suite du FESF dès juillet et sera doté de capital "en dur" et non plus de garanties, le protégera des soubresauts de la crise.

"Il faut être prudent sur les calculs qui sont faits. Il est trop tôt pour dire quel sera l'impact chiffré de la décision (de S&P) et pour déterminer si le FESF perdra son AAA", a expliqué une source proche du fonds, tout en insistant sur le fait que les deux autres grandes agences de notation internationales - Fitch et Moody's - n'avaient pas modifié leurs notes.

S&P a d'ailleurs elle-même indiqué qu'elle étudiait la situation du FESF et rendrait son verdict sur un possible abaissement de sa note dans les prochains jours.

Lors d'une interview à Reuters samedi, John Chambers, le président du comité des notations souveraines de S&P, a dit qu'un engagement plus important des pays qui ont conservé leur AAA ou un changement de la structure du FESF pourrait lui permettre de maintenir sa note maximale.

"AUCUN FÉTICHISME" POUR LE AAA

Les sources estiment qu'une telle augmentation des garanties est très improbable car cette décision ne manquerait pas de soulever une tempête politique dans les quatre pays de la zone euro bénéficiant encore d'une note de crédit AAA et qui seraient appelés à mettre la main à la poche - Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Finlande.

Mais elles considèrent que le FESF dispose de deux autres portes de sortie : continuer à opérer sans ce "triple A", ce qui pourrait renchérir les coûts de financement, ou accepter que sa capacité effective de prêt soit réduite en raison de l'impossibilité pour la France et l'Autriche de garantir le fonds avec une note maximale.

Dans le premier cas, la chancelière allemande Angela Merkel a dit samedi que le FESF n'avait "pas nécessairement" besoin de cette note et qu'il pouvait continuer à opérer selon ses méthodes actuelles, alors que la Commission européenne a expliqué lundi qu'elle n'avait "aucun fétichisme" pour le AAA.

Cette question sera évoquée lundi prochain entre les ministres des Finances de la zone euro qui, selon le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker, sont prêts à étudier tous les moyens de conserver cette note.

Dans le second, la capacité effective de prêt de 440 milliards d'euros pourrait chuter de 170 à 180 milliards d'euros selon les calculs d'économistes, auxquels s'ajouteraient les 43,7 milliards déjà engagés dans les programmes d'aide à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal.

Ceci laisserait une somme disponible comprise entre 215 et 225 milliards d'euros, un montant largement suffisant pour couvrir les besoins du second plan d'aide à la Grèce - 130 milliards d'euros - même si ceux-ci venaient à déraper.

OPINION DÉJÀ ACTÉE

D'autant que le MES, dont l'entrée en vigueur a été avancée d'un an au 1er juillet 2012, disposera d'une structure plus solide et pourrait voir ses capacités revues à la hausse.

Lundi, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a indiqué qu'il y aurait "sans délai" un examen de la taille du MES et du FESF.

Il est à l'heure actuelle prévu que le MES dispose d'une capacité effective de prêt de 500 milliards d'euros - soit bien plus que le Fonds monétaire international par exemple - mais plusieurs pays ont évoqué la possibilité de lui allouer les fonds qui n'auraient pas été utilisés dans le FESF une fois que celui-ci s'éteindra.

Par ailleurs, le MES disposera de 80 milliards d'euros de capital "en dur" et de 620 milliards d'euros de capital mobilisable en cas de besoin et il reposera sur une structure de droit international public -- contrairement au FESF qui est basé sur le droit privé luxembourgeois.

Ces deux spécificités lui permettront, comme le FMI ou la Banque européenne d'investissement, d'obtenir sa propre notation de crédit, totalement indépendante de celles de ses Etats actionnaires, et de pouvoir recourir plus facilement à l'effet de levier afin de démultiplier sa capacité d'action si cela devenait nécessaire.

Restent toutefois les effets psychologiques de la décision de S&P, qui influeront sans aucun doute sur la capacité de la France à maintenir une relation d'égal à égal avec l'Allemagne et à faire entendre sa voix à la table des Conseils européens.

Mais là encore, la décision de S&P de retirer son "triple A" à la France ne fait qu'entériner une situation de fait qui existait depuis de nombreux mois.

"C'est une mauvaise nouvelle, mais c'est une opinion qui s'aligne largement sur une opinion déjà actée sur les marchés obligataires et d'actions (...) Cela fait longtemps que la France payait plus cher sa dette que l'Allemagne. S&P s'aligne d'une certaine manière sur la hiérarchie des taux existante sur le marché", a estimé Romain Burnand, ancien analyste bancaire et co-dirigeant de Moneta Asset Management.

Julien Toyer, avec les bureaux de Bruxelles et Francfort, édité par Yves Clarisse

par Julien Toyer