par Pascale Denis

Dans une industrie gorgée de liquidités et qui connaît des taux de croissance dont peu de secteurs peuvent s'enorgueillir, les grands groupes de luxe veulent renforcer leurs positions et compléter leurs portefeuilles d'actifs, comme LVMH avec le rachat du joaillier italien Bulgari..

"Beaucoup de grands groupes sont sous pression. Ils se disent qu'ils peuvent faire en cinq ans ce qu'ils prévoyaient de faire en dix", a déclaré Shawn Kravetz, président d'Esplanade Capital, lors du sommet du luxe de Reuters.

Les petits, eux, doivent trouver les moyens financiers de développer leur réseau de distribution, notamment dans les pays émergents, tandis que les fonds d'investissement veulent mettre la main sur des actifs dont la rentabilité et la croissance leur assurent un retour sur investissement élevé.

Le montant des opérations de fusion-acquisition réalisées depuis janvier (près de 6,0 milliards de dollars) dans le secteur a déjà atteint le double de celui de l'ensemble de l'année 2010 (2,9 milliards), selon les données de ThomsonReuters.

Bulgari repris par LVMH, numéro un mondial du luxe, Jean-Paul Gaultier par l'espagnol Puig, Cerruti par le chinois Trinity, dont la holding Li & Fung a également acquis Robert Clergerie, le chausseur anglais Jimmy Choo racheté par l'allemand Labelux, autant d'opérations permises par la croissance et les liquidités.

ACCUMULATION DE CASH

"Les groupes disposent d'une trésorerie très importante, accumulée grâce à la croissance et aux restructurations opérées pendant la crise. Elles doivent l'utiliser", explique François Arpels, directeur général de la banque d'affaires Bryan Garnier.

Pour les acteurs du private equity (capital investissement), il y a des perspectives de création de valeur, ajoute-t-il.

Lors du sommet de Reuters, le distributeur chinois Trinity s'est dit à l'affût d'autres marques européennes, tandis que Roberto Cavalli et Zadig et Voltaire ont tous les deux déclaré qu'ils repoussaient régulièrement les propositions de fonds d'investissement.

"La crise est clairement derrière nous, la confiance est revenue, les bilans des entreprises regorgent de cash. La consolidation va se poursuivre", a estimé pour sa part Scilla Huang Sun, gérante de Swiss & Global Asset Management, lors du sommet.

Il y a aussi un effet "boule de neige", qui fait que personne ne veut rater le train en marché et les valorisations élevées ne semblent pas devoir freiner les appétits des acheteurs.

"Le secteur a toujours eu des valorisations élevées, avec un goodwill important, surtout quand il s'agit d'accessoires ou d'horlogerie-joaillerie. C'est lié à la valeur des marques et, aujourd'hui, au potentiel de croissance sur les marchés émergents", souligne François Arpels.

CROISSANCE SUPÉRIEURE AUX ATTENTES

Les groupes de luxe ont dépassé toutes les attentes au premier trimestre, en dépit de la triple catastrophe qui a frappé le Japon en mars.

Portés par une dynamique qui ne se dément pas dans les pays émergents, en Asie bien mais aussi au Brésil, par une nette reprise de la consommation aux Etats-Unis et par d'importants flux touristiques en Europe, ils ont publié des taux de croissance interne souvent supérieurs à 20%.

Cette croissance est d'autant plus remarquable qu'elle intervient après un très vif rebond du secteur en 2010 (+19% pour Hermès, +24% pour Richemont +13% pour LVMH, +12% pour PPR).

Sauf choc exogène majeur susceptible d'entraver la consommation ou les flux touristiques, le luxe devrait, aux dires des analystes, profiter de taux de progression largement supérieurs à sa moyenne historique (+7%).

Le cabinet Bain & Co table sur une progression de 8% à taux de change constants cette année. Mais de nombreux analystes, comme ceux de HSBC, anticipent des hausses à deux chiffres.

D'ici 2014, Bain & Co s'attend à une croissance moyenne cumulée de 5% à 6%, à taux de change constants.

Avec Antonella Ciancio, Mark Potter, Astrid Wendlandt, édité par Jean-Michel Bélot