Moscou (awp/afp) - La reprise de l'économie russe, sortie fin 2016 de deux ans de récession, s'est nettement accélérée au printemps, une bonne nouvelle pour le Kremlin à sept mois de la présidentielle même si les perspectives restent ternes à long terme.

Difficultés structurelles et nouvelles sanctions américaines signifient que le potentiel de croissance de la Russie risque de s'essouffler dans les années à venir. Mais dans l'immédiat, les indicateurs permettent aux autorités de vanter une économie en relative bonne santé.

Au deuxième trimestre, le produit intérieur brut a augmenté de 2,5% par rapport à la même période un an plus tôt, a indiqué l'institut des statistiques Rosstat, traduisant une nette amélioration par rapport à +0,5% au premier trimestre.

La Russie avait enregistré au quatrième trimestre 2016 une première hausse du PIB (+0,3%) après deux ans de récession causée par l'effondrement des prix des hydrocarbures et les sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne.

Selon les économistes, l'accélération du printemps s'explique d'une part parce que la consommation des ménages, à la traîne jusqu'alors, est enfin repartie et que la faiblesse inhabituelle des températures a soutenu la production d'énergie.

Le résultat publié par Rosstat est légèrement inférieur à l'estimation du gouvernement (+2,7%) mais bien plus optimiste que la plupart des prévisions des économistes.

Il constitue la plus forte croissance de l'économie russe depuis le troisième trimestre 2012, a relevé William Jackson, du cabinet Capital Economics. Il "renforce notre opinion que la reprise va surprendre beaucoup de monde de manière positive", a-t-il ajouté, indiquant prévoir une croissance de 2,3% sur 2017 et 2,5% en 2018.

Le ministre de l'Economie Maxime Orechkine avait estimé fin juillet que l'accélération récente devrait permettre à la croissance de dépasser l'objectif de 2% du gouvernement pour 2017.

"Les taux d'intérêt diminuent et cela aide les banques à augmenter leurs portefeuilles de prêts, notamment aux entreprises et en particulier aux petites et moyennes entreprises", avait expliqué le ministre. "Les salaires commencent à se rétablir, comme les revenus de la population, ce sont des tendances positives qui ne vont aller qu'en se renforçant".

- Freins structurels et géopolitiques -

Les indicateurs récents confortent le Kremlin qui clame que l'économie russe a su s'adapter aux sanctions occidentales et à de faibles prix des hydrocarbures.

A plus long terme cependant, les économistes comme les autorités craignent un essoufflement de la croissance faute de réformes structurelles, répondant notamment à la baisse de la population active et réduisant la dépendance de l'économie russe aux hydrocarbures.

A l'issue de sa dernière réunion de politique monétaire fin juillet, la banque centrale a prévenu que la croissance était actuellement "proche de son potentiel", évalué à 1,5%-2%, et "limitée entre autres par la situation du marché du travail où des pénuries de main d'oeuvre sont déjà visibles dans certains secteurs".

Vladimir Poutine a demandé des pistes de réformes pour l'après 2018 à deux personnalités respectées des milieux économiques, l'ex-ministre des Finances Alexeï Koudrine partisan de la rigueur et le représentant des entrepreneurs Boris Titov, favorable à davantage de mesures de relance économique.

Mais paradoxalement, l'embellie relative de ces derniers mois a relégué au second plan les discours appelant à des changements importants.

Autre ombre au tableau: les Etats-Unis ont adopté de nouvelles sanctions contre Moscou pour son ingérence supposée dans la présidentielle de novembre dernier. Ces mesures, qui pourraient notamment entraver la construction de nouveaux gazoducs russes vers l'Europe, devraient avoir des répercussions très faibles sur l'économie russe à court terme, mais elles ont douché les espoirs de réconciliation avec Washington apparus après l'élection de Donald Trump.

"Cela signifie que la Russie va traverser une longue période de relations difficiles avec la première économie mondiale", explique à l'AFP Lilit Gevorgyan, économiste du cabinet IHS Markit, y voyant un élément de plus "dans la liste des risques que les investisseurs doivent prendre en compte".

"La Russie a besoin de capitaux abordables et du savoir-faire occidental pour moderniser son économie. Les sanctions américaines vont rendre plus difficile pour la Russie d'atteindre ces objectifs", a-t-elle ajouté.

afp/rp