* Deux favoris, le conservateur Raisi et le pragmatique Rohani

* Les résultats définitifs attendus dimanche

* Un 2e tour le 26 mai si aucun candidat ne dépasse 50% vendredi

par Parisa Hafezi

ANKARA, 17 mai (Reuters) - Les Iraniens éliront vendredi leur président lors d'un scrutin qui déterminera si le retour de Téhéran dans le concert des nations est appelé à s'accélérer ou si, au contraire, il va connaître un coup de frein avec l'arrivée d'un conservateur à la tête du pays.

Agé de 68 ans, le président sortant Hassan Rohani, est considéré comme un pragmatique, et a réussi à conclure avec les grandes puissances un accord sur le nucléaire iranien, en 2015. Il brigue un deuxième mandat et demeure favori : un sondage réalisé le 10 mai par l'institut International Perspectives for Public Opinion (Ippo) le donnait toujours gagnant avec 55% des intentions de vote.

Son vice-président, Eshaq Jahangiri, s'est retiré de la course mardi, expliquant avoir fait "son devoir" en présentant sa candidature au cas où celle de Hassan Rohani aurait été invalidée par le Conseil des gardiens de la Constitution, une institution cléricale contrôlée par les conservateurs hostiles au chef de l'Etat.

La veille, le maire de Téhéran, le conservateur Mohammad Baqer Qalibaf, en avait fait de même, si bien qu'il ne reste plus que quatre candidats en lice.

Dopé par le retrait de Qalibaf, le plus important rival de Hassan Rohani est désormais un conservateur du nom d'Ebrahim Raisi, dignitaire musulman de 56 ans qui a le soutien des Gardiens de la Révolution mais aussi de leur milice, les Bassiji, de la mouvance conservatrice ainsi que de deux groupes influents de dignitaires religieux.

Proche allié de l'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution depuis 1989, Ebrahim Raisi est l'un des quatre juges de la charia qui avaient ordonné l'exécution de plusieurs milliers de prisonniers politiques en 1988. Les médias iraniens ont mentionné son nom comme possible successeur d'Ali Khamenei, qui aura 78 ans en juillet.

Les détracteurs du président sortant reprochent à Hassan Rohani son incapacité à redresser une économie affaiblie par plusieurs décennies de sanctions. Le taux officiel de chômage s'établissait l'an dernier autour de 12,5% de la population active, selon des données publiées à l'automne dernier par l'institut iranien de la statistique.

Nombre d'Iraniens estiment que l'accord de 2015 sur une levée des sanctions internationales en échange de concessions de Téhéran sur son programme nucléaire n'a pas permis de créer les emplois et la croissance attendus, ni d'attirer les investissements étrangers que promettait Rohani.

L'ECONOMIE AU COEUR DES DEBATS

L'économie a été un enjeu majeur de la campagne électorale et Ebrahim Raisi a cherché à attirer à lui le vote des classes défavorisées en promettant de créer des millions d'emplois.

"Même si elles ne sont pas réalistes, de telles promesses attireront sans aucun doute des millions d'électeurs des classes modestes", estime l'analyse Saeed Leylaz.

"Raisi a de bonnes chances de l'emporter. Mais le résultat dépend encore de la décision de Khamenei", a dit un ex-haut responsable sous le couvert de l'anonymat.

A en croire certains analystes, la préférence d'Ali Khamenei, qui professe une loyauté sans faille à la théocratie, va vers Ebrahim Raisi. Mais à ce jour, le guide suprême s'est contenté, en public, d'appeler les Iraniens à participer massivement au scrutin, ce qui, d'après lui, démontrera la légitimité du système.

Même s'il est censé rester au-dessus de la mêlée, le guide suprême peut influer sur le scrutin en soutenant discrètement un candidat, ce qui serait de nature à galvaniser le camp conservateur.

Si les personnalités de l'opposition et du mouvement réformiste, comme Mehdi Karoubi et Mirhossein Mousavi, appuient Hassan Rohani, nombre d'électeurs qui ont assuré sa large victoire de 2013 sont déçus par les blocages de l'économie et par la lenteur des changements.

"Tout dépendra si les problèmes économiques l'emportent sur la question des libertés(...). Une faible participation pourrait nuire à Rohani", estime un responsable proche du président sortant.

L'élection d'un conservateur pourrait être difficile à gérer pour Téhéran, étant donné, notamment, l'hostilité de l'actuelle administration américaine envers l'Iran. Donald Trump ne s'est pas privé pour critiquer l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien.

"Avec un accord remis en question, le système (iranien) aura un besoin crucial des diplomates souriants et des technocrates de l'équipe Rohani, pour pouvoir rejeter toute responsabilité sur Washington et pour maintenir à flot l'économie iranienne", considère un spécialiste de l'Iran, Ali Vaez, de l'ONG International Crisis Group.

Les bureaux de vote ouvriront leurs portes vendredi à 03h30 GMT et fermeront à 13h30 GMT, mais en fonction de l'affluence, cet horaire pourra être repoussé. Les résultats définitifs sont attendus dimanche.

Si personne ne dépasse la barre des 50% vendredi, les deux candidats arrivés en tête s'affronteront lors d'un second tour une semaine plus tard, le 26 mai. (Eric Faye pour le service français, édité par Tangi Salaün)