La finance islamique a survécu à l'orage. L'une des catégories d'actifs qui s'est développée le plus rapidement dans le monde, avant la crise financière en août 2007, poursuit sa croissance. A un rythme plus lent certes.
Le moratoire de la dette de Dubaï qui a secoué le secteur il y a un an, ressemble davantage à un tremblement qu'au cataclysme redouté à l'époque. Les querelles internes liées au conformisme religieux semblent, quant à elles, réglées.

Les actifs bancaires de la finance islamique ont augmenté de 8,9% cette année. La valeur du secteur est ainsi estimée à 895 milliards d'USD, selon les derniers chiffres de The Banker and Maris Strategies. Depuis 2006, le secteur a plus que doublé de taille, en raison du nombre accru d'individus et d'institutions ayant cherché à investir selon des modalités conformes à l'Islam ou à la sharia. Cela implique d'éviter les gains d'argent résultant d'intérêts, connus sous le nom de riba. Ceci est perçu comme un pêché en vertu de la loi islamique. La création d'argent à partir d'argent est, en effet, considérée comme immorale.

Nick Edmondes, Co-Directeur du service Finance islamique auprès du cabinet d'avocats Trowers & Hamlins, affirme que " La finance islamique a résisté relativement bien aux chocs financiers étant donné qu'elle n'est pas exposée aux produits dérivés et aux actifs hypothécaires toxiques qui ont frappé le secteur financier conventionnel. "
Razi Fakih, Directeur Adjoint de HSBC Amanah, le bras financier islamique de HSBC, ajoute que " La crise financière n'a pas eu un impact direct sur le secteur islamique, en partie car les institutions financières islamiques étaient basées dans des marchés émergents qui n'ont pas été touchés de façon significative. "

Certaines banques islamiques victimes des retombées de la crise
Cette année, cependant, les retombées de la crise financière et du moratoire de la dette de Dubaï ont fait leur lot de victimes. Certaines banques islamiques ont ainsi essuyé des pertes considérables en raison de leur exposition à des marchés immobiliers en difficulté. Ces banques qui ont été confrontées aux plus grands problèmes étaient surtout basées au Moyen-Orient. Les banques d'Asie, elles, ont retenu la leçon des crises survenues dans les années 90 et disposent aujourd'hui de marchés de capitaux locaux plus solides.

Au Moyen-Orient, Gulf Finance House, autrefois l'une des institutions les plus solides de la région, a rencontré quelques difficultés du fait de certaines de ses dettes. Investment Dar, considéré comme un modèle à suivre avant la crise financière, a également connu des problèmes avec certains de ses prêts.

La Malaisie, l'un des gros marchés de la finance islamique, a également connu quelques difficultés. En effet, des vents contraires au niveau mondial ont fait caler la croissance du marché des Sukuks ou obligations islamiques, l'une des catégories d'actifs les plus en vue et couronnées de succès au cours de ces dernières années.

De la nécessité de standardiser les produits
En règle générale, les problèmes concernant la standardisation des produits et l'uniformisation de la gestion des liquidités continuent de freiner le secteur. Les projets d'investissement risquent effectivement de souffrir des difficultés rencontrées pour réunir des fonds.
Les autorités chargées des règlementations et les banquiers tentent de résoudre ces problèmes. À Kuala Lumpur, une entreprise islamique internationale de gestion des liquidités a été créée. Elle émettra des emprunts obligataires de courte durée qui pourront être utilisés par des banques et d'autres sociétés afin de gérer leurs liquidités selon des modalités conformes à la sharia.

Au Moyen-Orient, l'Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions (AAOIFI) basée au Bahreïn, et l'Islamic Financial Services Board (IFSB) promeuvent l'harmonisation et la standardisation croissante des produits conformes à la sharia afin d'améliorer la crédibilité du secteur et le rendre ainsi plus attractif aux yeux des investisseurs.
Malgré ces problèmes, plusieurs analystes affirment que la probabilité d'une croissance plus forte est réelle dans la mesure où un tout petit pourcentage de Musulmans a recours à la finance islamique (environ 12% des 1,6 milliards de Musulmans vivant à travers le monde).

Les Sukuks se développent aussi en dehors du monde islamique
En outre, ce n'est pas uniquement dans le monde islamique que les banquiers détectent des opportunités de développement du produit Sukuk.
En Europe, en particulier à Londres, le secteur connaît une forte croissance. Les investisseurs non musulmans considèrent ce type de financement comme un moyen sensé de se diversifier puisqu'il offre un produit distinct qui semble plus résistant face aux incertitudes des marchés occidentaux, surtout dans la zone euro. Certains gestionnaires de fonds considèrent que les économies périphériques plus faibles sont trop risquées pour y investir.

Les banques et les institutions islamiques se sont développées sans emmener leurs avoirs toxiques, tels que les dettes hypothécaires ou les produits dérivés complexes. Elles ne sont pas trop endettées, à la différence de nombreuses banques occidentales, ce qui fait de leurs produits conformes à l'Islam des investissements relativement sûrs.

Il existe certaines possibilités de développement de la finance islamique dans le domaine de la banque de détail et de la fourniture de services financiers aux petites entreprises. Dans cette optique, des banques telles que CIMB Islamic ont développé leur activité en Asie, tandis que l'ABSA Islamic Banking a fait de même en Afrique. Citi Islamic Investment Bank se développe en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique.

En Europe, Londres cherche à consolider sa position de passerelle entre la finance islamique et le monde occidental. Le premier sukuk corporate au Royaume-Uni a été lancé au cours de l'année, et la finance islamique continue de se développer dans le pays. Les investisseurs espèrent toujours que le Royaume-Uni émettra le premier Sukuk occidental souverain.
Le gouvernement français a annoncé de nouvelles initiatives en juillet, destinées à faciliter l'introduction de produits islamiques, tandis que la Turquie a émis les premiers Sukuks par l'intermédiaire de ses principales banques.

Dans d'autres parties du monde, la Chine a accepté que la Bank of Ningxia offre des services financiers islamiques, l'Inde envisage d'introduire des pratiques bancaires islamiques, tandis que l'Australie revoit le traitement fiscal de la finance, des produits bancaires et d'assurance islamiques.

Dans le Golfe, la population devrait, au cours de la prochaine décennie, faire un bond de 30% et passer ainsi à 50 millions, ce qui entraînera une demande croissante de produits, selon HSBC Amanah. L'utilisation de fenêtres islamiques par des banques conventionnelles en Afrique du Nord met en lumière un autre secteur de croissance potentielle en raison de l'importante population musulmane du continent, dont une grande partie n'a recours à aucune banque, quelle qu'elle soit.

Le Nigéria et le Sénégal commenceront à émettre leurs premières obligations islamiques l'année prochaine et, au Kenya, la banque centrale a donné son autorisation à deux banques islamiques.
Selon Oliver Wyman, un cabinet-conseil, l'Afrique devrait doubler ses revenus issus de ce type de financement d'ici 2012.
La finance islamique s'est développée rapidement et en peu de temps. En fait elle n'a réellement décollé qu'après l'émission par la Malaisie du premier Sukuk souverain en 2002. Aussi, les optimistes sont certains qu'elle continuera son expansion.

L’évolution du secteur demeure limitée par les contraintes religieuses
Les sceptiques, en revanche, soulignent les limites imposées au développement des produits du fait des règles religieuses strictes.
Pour eux, il est peu probable que le marché des produits dérivés les plus sophistiqués connaisse un essor significatif ; ceux-ci étant des produits classiques dans la finance conventionnelle.

Par exemple, plusieurs investisseurs et érudits islamiques estiment que les possibilités de développement du secteur des fonds spéculatifs, dont les mérites ont été largement vantés, semblent au mieux discutables. Nombreux sont ceux à juger le " fond spéculatif islamique " comme une contradiction que même les juristes et les ingénieurs financiers les plus intelligents auront du mal à surmonter. Les contraintes inhérentes à l'appréhension religieuse des produits financiers expliquent la faible part des actifs financiers globaux représentée par ce secteur dans le monde, seulement 1,5%.

Si ce petit pourcentage peut être vu comme le signe de grandes perspectives de croissance, même les plus fervents défenseurs du secteur reconnaissent qu'il demeurera toujours un produit de niche.


Traduit de l'anglais par AGORA SUD
Copyright 2011 Financial Times / Zonebourse.com

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