La banque nationale suisse a récemment doublé sa prévision d'inflation pour l’année 2022 à 2,1%, un chiffre certes bas mais supérieur à son objectif d’inflation de 0-2%, ce qui pourrait l’encourager à prendre des mesures pour lutter contre cette inflation grandissante. Malgré une inflation bien inférieure à la totalité des grandes puissances occidentales, la Suisse serait tentée d’agir pour contrer la hausse des prix. C’est en tout cas ce qu’à déclaré Thomas Jordan, directeur de la BNS : "Nous ne sommes pas du tout impuissants, nous regardons ces prévisions d'inflation et nous prendrons toutes les mesures nécessaires afin de maintenir la stabilité des prix à moyen et long terme", a déclaré M. Jordan aux journalistes. 

Il est certain que le taux d'inflation relativement contenu, couplé au taux d'intérêt le plus bas au monde laisse une marge de manœuvre considérable à la banque centrale suisse. Elle cite la guerre en Ukraine, la hausse des coûts de l'énergie et les soucis des chaînes d’approvisionnement comme responsables de la hausse des prix. Contrairement à la Réserve fédérale américaine et à la Banque d'Angleterre, la BNS n'a pas relevé ses taux d'intérêt, s'en tenant comme prévu à -0,75 %. Néanmoins, M. Jordan semble déterminer à contrôler l'inflation, indiquant une éventuelle volonté de s'écarter de la politique monétaire ultra-expansive menée au cours des sept dernières années.

Taux de croissance des prix à la consommation dans plusieurs pays développés (Source : Bloomberg)

La BNS peut en effet compter sur une palette d’outils pour faire les ajustements nécessaires, dont la maîtrise du taux de change du franc suisse ou les taux d'intérêts. "Nous sommes dans ce domaine depuis très longtemps et, si nécessaire, nous devons ajuster ces conditions monétaires afin que l'inflation reste ou revienne dans la fourchette de stabilité des prix [...] Nous devons également veiller à ne pas tomber dans une situation où nous aurions le problème inverse, à savoir une inflation trop faible." a ajouté Thomas Jordan.

Pour David Oxley, économiste chez Capital Economics, “la fin de la période prolongée d'immobilisme politique [de la BNS] se rapproche". Il ajoute : "Les commentaires de Jordan (...) ont un soupçon d'agressivité et me semblent préparer le terrain pour les jours où la BNS ne maintiendra plus le statu quo comme une évidence", a déclaré David Oxley de Capital Economics.

L’enjeu est désormais de trouver un équilibre dans les mesures, la BNS prévoyant une inflation de 0,9% en 2023 et 2024. Il faut donc qu’elle ne soit pas trop stricte pour ne pas conduire l’économie helvétique dans une déflation, d’après Karsten Junius, économiste chez J.Safra Sarasin : "La BNS doit surveiller les risques pour sa définition de la stabilité des prix des deux côtés", a déclaré Junius. "Elle doit donc indiquer qu'elle est prête à ajuster sa politique dans les deux sens."

Concernant le franc suisse, la BNS le considère comme actuellement “hautement valorisé” (il a récemment atteint son plus haut niveau face à l’euro en sept ans), mais Thomas Jordan déclare qu’elle n'avait pas de "seuil de douleur" particulier pour l'évaluation du franc, qui était motivée par une inflation plus élevée à l'étranger ainsi que par le statut de valeur refuge du franc. La force du franc aide également la Suisse à surmonter l'inflation croissante en rendant les importations moins chères, a-t-il ajouté.

Le franc suisse a récemment atteint son plus haut niveau face à l'euro depuis 7 ans

De nombreux analystes s'attendent à ce que la BNS attende que la Banque centrale européenne relève ses taux avant de commencer sa propre série de hausses, bien que M. Jordan ait souligné l'indépendance de la Suisse. 

"Nous n'attendons jamais une autre banque centrale, nous élaborons la politique monétaire dans le but de maintenir la stabilité des prix", a-t-il déclaré.