(Actualisé avec menace de veto russe, incorpore la dépêche SYRIE-ONU/FRANCE)

par Rodrigo Campos

NATIONS UNIES, 24 février (Reuters) - La Russie opposera son veto au projet de résolution sanctionnant Damas pour l'usage d'armes chimiques contre la population civile si le texte est soumis au vote du Conseil de sécurité, a annoncé vendredi l'ambassadeur russe adjoint Nations unies.

Cette fin de non recevoir a été critiquée par les Etats-Unis tandis que la France avait estimé un peu plus tôt que le Conseil de sécurité jouerait sa crédibilité dans cette affaire.

"Il ne fait aucun doute que la résolution contrevient au principe de la présomption d'innocence avant que l'enquête ne soit terminée", a déclaré le représentant russe, Vladimir Safronkov, après la réunion du Conseil.

Le diplomate russe a déclaré à la presse qu'une "pression considérable" était exercée sur la mission d'enquête conjointe de l'Onu et de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) pour qu'elle produise des conclusions à charge pour le régime du président syrien Bachar al Assad.

"Nous opposerons notre veto", a-t-il conclu.

L'ambassadrice américaine à l'Onu, Nikki Haley, a dénoncé l'intransigeance de Moscou. "Combien de temps encore la Russie va-t-elle protéger et fournir des excuses au régime syrien", a-t-elle demandé.

La diplomate américaine a rappelé que le Conseil avait approuvé à l'unanimité l'ouverture de l'enquête conjointe. "Les résultats sont tombés et ils ne plaisent pas à certains. C'est ridicule", a-t-elle conclu.

Le projet de résolution préparé par la France et le Royaume-Uni prévoit de sanctionner onze responsables militaires et politiques syriens ainsi que dix entités gouvernementales impliqués dans le développement et la production d'armes chimiques. Les sanctions sont un gel des avoirs et, pour les individus, une interdiction de déplacement.

"LA CRÉDIBILITÉ DU CONSEIL DE SÉCURITÉ EST EN JEU"

Deux diplomates ont indiqué jeudi que le texte, auquel les Etats-Unis se sont ralliés en devenant co-parrains, pourrait être soumis au vote dès la semaine prochaine.

L'ambassadeur français à l'Onu, François Delattre, a estimé que le Conseil de sécurité ne pouvait pas se permettre d'étaler une fois encore son impuissance.

"Si le Conseil de sécurité est incapable de s'unir sur une question aussi vitale, littéralement vitale, que la prolifération et l'usage d'armes de destruction massive contre les populations civiles, alors quoi?", s'est interrogé le chef de la mission permanente de la France aux Nations unies.

"Ce qui est franchement en jeu ici, c'est la crédibilité du Conseil de sécurité", a-t-il dit à la presse.

L'enquête conjointe menée par l'Onu et l'OIAC a conclu que les forces gouvernementales syriennes étaient responsables de trois attaques au chlore et que les djihadistes de l'Etat islamique avaient utilisé du gaz moutarde, montrent des rapports parus l'an dernier.

Le gouvernement de Bachar al Assad nie que ses forces aient eu recours à des armes chimiques.

Les discussions au Conseil de sécurité interviennent alors que de nouvelles discussions se poursuivent sous l'égide des Nations unies à Genève entre représentants du pouvoir syrien et délégués de l'opposition.

François Delattre a jugé qu'il n'existait aucune contradiction entre les deux événements.

La guerre en Syrie, qui a débuté il y a près de six ans, a fait au moins 300.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés. (Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français)